Le Journal de Quebec - Weekend
PRISONNIÈRE D’UN PREMIER AMOUR
Auteure de six romans, l’écrivaine belge Valérie Cohen s’est questionnée sur l’impact d’un premier amour et la puissance des souvenirs dans son nouveau roman, Depuis, mon coeur a un battement de retard. À travers Emma, une femme qui a tout pour être heureuse, elle décrit les émotions vécues par ceux et celles qui restent émotionnellement bloqués, prisonniers d’un amour passé dont le deuil n’a pas été fait.
Son héroïne, Emma, a tout pour être heureuse, en apparence. Elle a du succès en affaires, un mari qui l’aime, un adolescent paisible et des amis sincères.
Mais il y a quelque chose qui cloche. Il y a 20 ans, Jean-Philippe, son premier amour, l’a quittée brusquement, sans motif ni explications. Depuis, il lui semble que son coeur a un battement de retard.
Lorsqu’elle retrouve le visage de son ancien amoureux sur un site de rencontres de personnes mariées, Emma est tentée de revisiter ses souvenirs. Est-ce vraiment une bonne idée?
Valérie Cohen discutait avec une femme de plus de 60 ans, lui demandant pourquoi elle n’avait pas refait sa vie et ce qui l’avait empêchée d’avoir une relation durable, lorsque ses réponses l’ont incitée à écrire un roman.
« Elle me disait qu’elle était prisonnière d’un premier amour qu’elle a vécu quand elle avait 15, 16 ans, et qu’elle n’avait jamais revu ce monsieur. Elle lui envoyait une carte, une fois par an. Je me suis dit, wow, c’est incroyable que quelqu’un, 45 ans après, puisse encore être emprisonné dans son souvenir. Je trouvais que ça ferait une magnifique histoire », dit-elle, en entrevue.
PRISON DORÉE
Valérie Cohen a réfléchi sur ces histoires d’amour où le passé enferme les gens dans une sorte de prison dorée.
« Qui ne s’est pas demandé : “Qu’est-ce que serait ma vie si j’avais choisi telle personne plutôt qu’une autre ?” Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, c’est tellement plus facile d’entrer en contact avec quelqu’un ou de voir ce que la personne est devenue, sans qu’elle le sache. Ça permet à l’imaginaire de poursuivre la suite du travail et ne pas classer le souvenir dans un dossier fini. »
Retrouver un ancien amour, c’est peut-être retrouver une partie de nousmêmes, perdue en cours de route, croitelle. L’écriture du roman l’a amenée à visiter son propre passé et ses amours perdues.
« Ce n’est pas autobiographique, mais il y a de moi dans tous mes romans. Donc c’est clair que je n’ai pas pu m’empêcher, en écrivant le livre, de penser à d’anciennes histoires. Je crois qu’on est tous appelés à se poser la question : mais si? Qu’est-ce qui se serait passé si la porte ne s’était pas refermée? Qu’estce qui se passerait si je revoyais la personne ? Immanquablement, je vibre à travers les personnages — ils m’accompagnent pendant plus d’un an. Sans doute que je fais ma psychothérapie en écrivant ! »
LE FRUIT DE NOS SOUVENIRS
À travers le personnage d’Emma, elle a aimé démontrer que tout un chacun est le fruit d’une éducation, d’une culture, d’une filiation, mais aussi le fruit de nos souvenirs et de la manière qu’ils nous ont construits.
« Ce n’est pas toujours simple de les ranger dans une boîte à souvenirs et de pouvoir les regarder sans émotion, positive ou négative. »
■ Écrivaine belge, Valérie Cohen a été juriste en entreprise pendant neuf ans avant de se consacrer à l’écriture.
■ Depuis, mon coeur a un battement de retard est son sixième roman.
■ Elle n’est jamais venue au Québec et espère nous visiter bientôt.