Le Journal de Quebec - Weekend

UNE BANLIEUE SOUS TENSION

- MAXIME DEMERS Le Journal de Montréal maxime.demers @quebecorme­dia.com

En 1995, le drame La haine de Mathieu Kassovitz provoquait une onde de choc en dépeignant avec un réalisme cru la dure réalité des banlieues parisienne­s défavorisé­es. Vingt-cinq ans plus tard, un autre film coup-de-poing, Les Misérables, brosse un tableau saisissant d’une banlieue sous haute tension, montrant du même coup que les choses n’ont pas vraiment changé depuis le milieu des années 1990.

Film-choc, Les Misérables a eu l’effet d’une bombe lors de sa première mondiale au Festival de Cannes en mai dernier.

Cette oeuvre puissante qui relate les conséquenc­es d’une bavure policière dans la commune de Montfermei­l a relancé le débat sur les piètres conditions de vie dans les banlieues parisienne­s.

Même le président français Emmanuel Macron aurait été bouleversé en visionnant ce film réalisé par le cinéaste Ladj Ly, au point où il aurait demandé à son gouverneme­nt de trouver rapidement des solutions pour améliorer cette situation.

En entrevue, Ladj Ly, lui-même un résident de Montfermei­l, ne s’offusque pas quand on lui parle des comparaiso­ns inévitable­s de son film avec La haine.

« La haine est un film qui nous a beaucoup marqués et qui nous a même donné envie de faire du cinéma », a souligné le réalisateu­r lors d’un entretien téléphoniq­ue accordé au Journal en septembre dernier.

« Donc, ça me va qu’on compare mon film avec La haine parce que ça traite du même sujet. En revanche, ce qui est assez triste, c’est de constater que les choses n’ont pas vraiment évolué en 25 ans. Il y a eu quelques plans et rénovation­s, mais les problèmes persistent toujours. Quand on sait que dans ces quartiers, il y a 40 % de chômage... Le taux de pauvreté est élevé, l’éducation est chaotique. Clairement, ça va de pire en pire. »

FAITS RÉELS

L’événement qui a inspiré Les Misérables remonte à 2008. Ladj Ly, qui passait à cette époque beaucoup de temps à filmer son quartier, avait capté avec sa caméra les images d’une véritable bavure policière qui s’était déroulée sous ses yeux.

« J’ai diffusé la vidéo sur internet, ce qui a provoqué une enquête et la suspension de policiers, explique-t-il. Ç’a été le point de départ de mon film. Mais ce n’est pas la seule chose que je voulais raconter. L’idée était de faire un constat sur un quartier et non pas de faire un film à charge ou à décharge contre les policiers ou les habitants. J’ai voulu être le plus juste possible et raconter une histoire sans prendre parti et sans porter de jugement.

« Ce n’est ni un film antipolici­er ni un film propolicie­r. Je voulais simplement raconter une histoire qui me permettait de faire un constat sur la situation actuelle dans mon quartier. C’est important aujourd’hui d’être juste. Si j’avais fait un film antipolici­er, je crois qu’il n’aurait pas eu le même impact. »

DU COURT AU LONG

Ladj Ly a d’abord tourné Les Misérables sous la forme d’un court métrage. Ce film produit en 2016 avec les moyens du bord a fait sensation sur le circuit des festivals, récoltant une trentaine de prix dans plus de 150 événements internatio­naux.

« Chaque fois qu’on présentait le court métrage, les réactions étaient incroyable­s, relate Ladj Ly. Même que les gens restaient un peu sur leur faim parce qu’ils avaient envie d’en voir plus. Mais ce n’est pas la raison pour laquelle j’ai décidé d’en faire un long métrage par la suite. J’avais en tête l’idée de tourner un long bien avant de faire le court. J’ai voulu commencer par un court métrage simplement pour rassurer les financiers et les producteur­s sur la pertinence du sujet. Mais malgré cela, on a eu des difficulté­s à financer le long. Parce que c’est un sujet qui reste assez sensible en France. »

Depuis la sortie des Misérables en France, en novembre dernier, Ladj Ly s’est retrouvé au coeur d’une nouvelle polémique, cette fois-ci au sujet de son passé judiciaire.

Le cinéaste français a en effet été condamné à un an de prison en 2011 pour son implicatio­n dans une affaire d’enlèvement et de séquestrat­ion orchestrée par des amis à lui. Il a toujours clamé son innocence.

Candidat de la France pour l’Oscar du meilleur film internatio­nal, Les Misérables a pris l’affiche hier.

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Le film Les Misérables raconte l’histoire d’une bavure policière qui met le feu dans une banlieue parisienne.
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