Le Journal de Quebec - Weekend
LA VIE DU MAGNÉTISEUR MESMER
Pour son deuxième roman, Le guérisseur des Lumières, l’écrivain et éditeur français Frédéric Gros propose une incursion dans la vie phénoménale de Franz-Anton Mesmer. L’inventeur du magnétisme animal, qui était aussi riche mécène et musicien, croyait avoir découvert comment guérir les maladies par le simple toucher.
En s’appuyant sur ses propres recherches et sur ses propres expériences, Frédéric Gros raconte, avec beaucoup de justesse, la vie fascinante de Mesmer.
Ce médecin controversé, mort en 1815, a consacré sa vie à étudier le magnétisme et les théories de guérison par une sorte de fluide universel devant être équilibré dans le corps grâce à des « passes » faites par les mains.
Mesmer a réussi à produire des guérisons inexpliquées, voire miraculeuses, même s’il a été rejeté par la communauté scientifique. À l’époque, tout le monde voulait se faire « magnétiser » et son cabinet ne désemplissait pas.
Frédéric Gros rappelle que Mesmer était également un musicien et un riche mécène qui recevait Mozart, Haydn et Gluck dans son propre salon. Mozart l’a d’ailleurs immortalisé dans l’opéra Così fan tutte.
Frédéric Gros, avec talent, raconte la vie de l’inventeur du « mesmérisme » sous forme de lettres écrites par Mesmer dans les derniers mois de sa vie. Une vie où il n’a jamais cessé de croire au pouvoir qu’il avait au bout des doigts, au pouvoir de ce fluide qui était « la musique élémentaire de l’Univers ».
« Ce qui m’a plus surpris, c’est l’importance du corps, du toucher. Dans les histoires qui circulent sur lui, on l’associe avec l’hypnose alors que le magnétisme, c’est quelque chose qui est du côté du toucher, plus que du contrôle psychique », explique-t-il.
« C’est la sensualité au service de la médecine: les valeurs du tact, du toucher. »
Il a également été étonné d’apprendre que Mesmer avait fréquenté les plus grands musiciens de son temps. « Mozart et Gluck ont été à Paris à peu près en même temps que Mesmer. »
LIEN ENTRE MUSIQUE ET BIEN-ÊTRE
Frédéric Gros fait de nombreuses références à la musique. « Je suis un mélomane. Ça m’a permis de trouver de grandes intensités, et je crois que la musique a un lien très fort avec notre bien-être, quand même. Mesmer repère ça assez vite et arrive à voir dans la musique une expression de ce fluide, de ce feu invisible qui traverse le vivant, le cosmos, et dont l’harmonie produit la santé et le bonheur. »
Il a trouvé une notation, dans les archives, où une préférence pour le ré mineur est indiquée.
« Je me suis mis à réécouter tout ce qui pouvait être en ré mineur et j’ai trouvé, évidemment, oui, c’est le Requiem de Mozart, c’est des tas de choses. Je n’ai aucune certitude musico-médicale sur la pertinence que j’avance mais en tout cas, je l’ai trouvée dans une archive, et je l’ai exploitée à fond. »
RAPPORT AVEC LA NATURE
Frédéric Gros a aimé le rapport que Mesmer avait avec la musique, mais aussi avec la nature.
« Mesmer a eu une formation très classique, il avait lu les philosophes des Lumières. Quand il était jeune, il suivait son père dans les forêts. Il avait un contact avec les énergies élémentaires qui était très fort. » Par curiosité, l’auteur a même suivi une formation de magnétiseur, « pour sentir les choses ».
Et puis ? « On peut développer des sensibilités à des microsensations à côté desquelles, autrement, on passe. (…) Entre le chatouillement, le picotement, la très légère brûlure, vous avez un tas de sensations qui correspondent à des états du corps. » Frédéric Gros est professeur de pensée politique à Sciences Po Paris. Il est l’éditeur de Michel Foucault dans la Bibliothèque de la Pléiade. Il a écrit de nombreux essais et un premier roman, Possédés (2016). Il connaît bien Montréal et Ottawa et souhaite revenir bientôt.