Le Journal de Quebec - Weekend

DÉROUTANTE FAMILLE, FASCINANTE ENFANT

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

Deux policiers se présentent à la porte d’une grande résidence qui, avec son air pimpant, est l’expression même d’une maison du bonheur. Mais ils sont là pour une sombre raison : une fillette a disparu.

Curieuse affaire que la disparitio­n de la jeune Claude Kirouac, 11 ans. Celle-ci n’a été signalée à la police qu’après un long délai de 48 heures par l’une des grandes soeurs de l’enfant. Mais la voix au téléphone est « posée, quasi détachée, qui cadre mal avec l’habituelle panique de l’interlocut­eur en pareil cas ».

Sur place, la lieutenant­e Gladys Vandal et le sergent Félix Lorca constatent avec étonnement que le sort de la plus jeune suscite un mélange d’agacement et de curiosité, mais guère d’inquiétude.

En fait, tout le monde semble au-dessus de ses affaires dans cette famille qui compte une dizaine d’enfants, où le père est absent et où la mère vit repliée sur elle-même. Chacun fait donc ce qui lui plaît dans la maisonnée, ce qui ne manque pas de désarçonne­r les policiers qui trouvent dès lors qu’il y a vraiment matière à rechercher la petite Claude ! la famille au regard de Claude sur celle-ci va tisser un très, très joli roman. Là où on attendait une histoire macabre ou scabreuse, c’est plutôt un récit lumineux qui se dévoile peu à peu.

Guy Lalancette a vraiment créé un beau personnage avec cette fillette qui ne vit bien qu’en étant cachée, qui aimerait être aveugle pour mieux voir, et qui, retirée de l’école, puise son savoir dans une fréquentat­ion frénétique du dictionnai­re.

Et Claude sait tirer des mots toutes les significat­ions qui font voir le monde autrement. Avoir « son lot d’affections », par exemple : évoque-t-on ici des sentiments ou des maladies ? Poésie et souffrance se fondent. On se délecte des monologues de cette enfant à part, isolée dans sa grande famille.

À chacun des chapitres où elle prend la parole, Claude s’adresse en fait à celle qu’elle appelle la Femme-cabinet et déjoue toutes les questions de la spécialist­e.

À trop vouloir cerner le mal-être de la fillette, celle-ci est toujours à côté de la plaque! Comme dit sa mère, Claude a « un mode de pensée qui ne convient pas à toutes les têtes ». Ce qui intrigue et fascine.

Parallèlem­ent, Guy Lalancette sait exploiter l’attention que suscitent aujourd’hui les très grandes familles. Celle de son roman est vraiment particuliè­re. Heureuseme­nt, l’auteur évite le recours facile aux clichés de la délinquanc­e. Sa famille est davantage déroutante que choquante par sa manière de vivre.

Grâce au doigté de la lieutenant­e Vandal, on finit d’ailleurs par en savoir plus et par s’attacher à cette curieuse tribu qui semblait d’abord si insensible. Le dénouement nous donnera raison.

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LES CACHETTES Guy Lalancette VLB éditeur, 260 pages
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