Le Journal de Quebec - Weekend

DANS LA TÊTE DE DANIEL PENNAC

Avec La loi du rêveur, son tout nouveau livre, l’écrivain français Daniel Pennac nous offre un aller simple vers son très vaste pays des rêves. À découvrir.

- KARINE VILDER

Parce qu’on a adoré les six volets de la délicieuse saga Malaussène et beaucoup aimé Chagrin d’école (qui a reçu le prix Renaudot en 2007) ou Journal de

mon corps, on rêvait depuis des années d’interviewe­r Daniel Pennac. Apprendre qu’on allait enfin pouvoir le faire grâce à La loi du rêveur, son dernier roman, a donc presque été un songe éveillé!

Cela dit, l’histoire relatée dans ce livre a longtemps été mise en veilleuse. « Dans mon enfance, j’ai fait ce rêve extraordin­aire dans lequel j’étais victime d’une inondation de lumière morte, souligne d’emblée Daniel Pennac. Il y en avait partout dans la maison et pour ne pas être électrocut­é, il a fallu que je m’enfuie. Bien des années après avoir fait ce rêve, je me suis dit: tiens, ça pourrait être un joli récit, ça! Et j’ai commencé à raconter ce qui m’était arrivé cette nuit-là. Mais ça n’a pas été plus loin, en tout cas jusqu’à l’été dernier. Après avoir retrouvé par hasard ce récit entamé il y a une vingtaine d’années, j’ai eu envie de le continuer, j’ai eu la curiosité d’en tirer le fil et de passer le relais à l’imaginatio­n. »

Comme il l’explique lui-même, « nos rêves ne nous demandent pas notre avis pour se développer, ils nous envahissen­t brusquemen­t. Donc, ils nous imposent leur loi. Mais quand on se réveille, on a parfaiteme­nt le droit d’exploiter leur manne narrative, de leur donner tous les aspects d’un roman sans leur demander leur avis. Et ça, c’est la loi du rêveur. » Une loi qu’ici, Daniel Pennac n’a pas hésité à adopter !

UN HOMMAGE À FELLINI

Dès les premières pages, on pourra ainsi croiser un petit Daniel de dix ans sur le point de se mettre au lit dans le chalet familial du Vercors. Louis, son meilleur ami, est également là, parce que le lendemain, une randonnée a été prévue dans les Alpesde-Haute-Provence, non loin d’une usine hydroélect­rique. Et voilà. À peine le marchand de sable sera-t-il passé qu’on pourra aussitôt voir surgir le fameux rêve plein de coulées de lumière morte qui a tant marqué Daniel Pennac. Dans son roman, il va même jusqu’à préciser que ce rêve a été le tout premier à être homologué. Car à l’instar du grand réalisateu­r et scénariste italien Federico Fellini, dont il a toujours vénéré les films, Daniel Pennac rêve énormément et tient lui aussi le journal de ses rêves.

« Toute sa vie, Fellini a noté, dessiné et colorié les siens dans un livre qui est absolument magnifique, précise l’écrivain. Il s’intitule Le livre de mes rêves, et les Éditions Flammarion viennent justement de le ressortir. J’ajoute que si ce livre n’avait pas existé, le fil de mon histoire aurait sûrement été très différent. » Y empruntant plusieurs courtes citations, il ouvre d’ailleurs son roman avec celle-ci : « Lorsque j’avais six ou sept ans j’étais convaincu qu’il existait deux vies, l’une où l’on vivait les yeux ouverts et l’autre les yeux fermés. » C’est peutêtre Fellini qui parle, mais jusqu’à la dernière ligne de La loi du rêveur, on se posera sans cesse la même question: dans laquelle de ces vies Daniel Pennac a-t-il choisi de nous entraîner?

En plus de son très vieux rêve de jeunesse, l’auteur de la saga Malaussène a en effet décidé de partager avec nous toutes sortes de souvenirs. Un village englouti sous les eaux d’un lac, une pièce de théâtre jouée à Milan pour ressuscite­r Fellini le temps d’une soirée, un bête accident qui s’est terminé à l’hôpital, les conseils qu’il avait l’habitude de donner à ses élèves, la cabane en planches jadis construite par son père où il aime bien écrire, les moments passés en compagnie de ses petitsenfa­nts…

ORGANISER LE SUSPENSE

« Oui, dans ce roman je raconte à bien des égards l’histoire de ma vie, indique Daniel Pennac. Ma vie d’écrivain, ma vie de professeur, ma vie de famille… Par contre, puisqu’il n’y avait pas vraiment de péripéties, je me suis dit qu’il fallait organiser le suspense différemme­nt pour que le lecteur continue à tourner les pages avec curiosité. » Alors, curieux de savoir si on a continué à les tourner, ces pages ? Mais bien évidemment que oui ! Car en plus de se lire carrément toutes seules – ah, la plume de Pennac… –, elles permettent de comprendre beaucoup de choses sur la façon dont peuvent parfois germer les idées de celui qui, pour faire suite à Ils m’ont menti, prépare présenteme­nt le second volet de la série Le cas Malaussène.

 ??  ??
 ??  ?? LA LOI DU RÊVEUR Daniel Pennac Aux Éditions Gallimard 176 pages
LA LOI DU RÊVEUR Daniel Pennac Aux Éditions Gallimard 176 pages
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada