Le Journal de Quebec - Weekend

POLITIQUE ET ÉCOLOGIQUE

- MARIE-FRANCE BORNAIS Le Journal de Québec

ÉÉcrivaine­ii remarquabl­e,bl sensibleib­l ett d’uned’ finessefi incomparab­le,ibl Antonine Maillet renoue avec le conte dans son nouveau livre,

Fabliau des Temps Nouveaux. Remplie de métaphores, de traits d’esprit et de jeux de mots, cette courte histoire raconte les tribulatio­ns de Petit Pain, l’enfant du boulanger Painchaud et de sa femme. Un Petit Pain qui se fait des amis et ne se contentera pas de sa cour.

Désolés de ne pas avoir d’enfants, les Painchaud jalousent du coin de l’oeil leurs voisins, les Chabot, Barbeau, Rossignol et Laviolette, tous parents d’une abondante progénitur­e. Quelle n’est pas la surprise de madame Painchaud de voir qu’un jour, ses larmes mêlées à la pâte donneront naissance à Petit Pain !

Petit Pain, vite ami avec un chat, un oiseau, un poisson et une fleur, sera invité par Messire le Temps et ses acolytes, l’Histoire et le Progrès, pour explorer la planète et voir où nous allons tous. Le conte, adressé aux adultes, a une portée écologique, politique et linguistiq­ue.

En entrevue, Antonine Maillet dit qu’elle avait commencé ce livre il y a quelques années, l’a mis de côté, puis l’a repris l’an dernier. « J’avais écrit spontanéme­nt les premières phrases. Je me suis aperçue qu’il y avait un rythme, un mouvement, de la musique, on dirait. Je savais que j’étais en train d’écrire quelque chose comme une fable, et que je m’adressais à des enfants, et pourtant, je parle à des adultes, bien entendu. » LANGUE ACADIENNE

Le Fabliau fait un clin d’oeil à la politique de différente­s manières et à l’écologie, mais il est aussi un trésor de la langue acadienne. Antonine Maillet a intégré naturellem­ent beaucoup de mots de l’ancien français et des conjugaiso­ns d’un autre temps, comme le passé simple dans sa forme archaïque, qui sont toujours utilisés dans la langue courante en Acadie.

Elle protège en quelque sorte des verbes comme calouetter, hucher, ragorner, s’engouer. « Au Québec, la langue a évolué plus vite. Elle s’est frottée au français plus, alors que nous, on ne pouvait pas se frotter au français : on était isolés et on a été déportés. Les Acadiens déportés ont été obligés de garder leur langue ancienne. C’est ce qui fait qu’on a une langue plus ancienne. On l’a gardée, parce qu’on n’avait pas le choix. »

Elle ajoute : « On n’avait pas d’écriture: on n’avait que la langue orale. Alors ces mots sont très anciens, très beaux et très riches, et on les trouve aussi dans Rabelais, parce qu’il était contempora­in. « C’est pas un cours de grammaire, le

Fabliau. Mais ma musicalité intérieure s’intéresse à ça. J’aime ces mots-là », ajoute-t-elle, comparant le mot français « éberlué » au vieux mot français « ébaroui », qu’elle utilise toujours.

Dans le Fabliau, quiconque a exploré la côte acadienne, avec ses dunes et ses barachois, la chaleur de ses habitants et leur joie de vivre inimitable, voit que l’écrivaine rend hommage au peuple acadien par son écriture. Elle évoque son territoire, mais aussi son histoire, sa culture, sa pensée, son sens de l’astuce. LA JOIE D’ÉCRIRE

Écrivaine joyeuse, d’une grande vivacité, Antonine Maillet ne se prive pas de la joie qu’elle éprouve toujours en écrivant. « Je vis avec la littératur­e. Je vis avec l’écriture. Je me sens bien quand j’écris. Et quand je ne me sens pas bien, à mon âge, il faut que je passe ça, il faut que je me laisse aller, et c’est ce que je fais. »

Antonine Maillet est née en 1929 à Bouctouche, au Nouveau-Brunswick. Elle a écrit une cinquantai­ne de livres (romans, contes, pièces de théâtre et essais), dont La Sagouine, Pélagie

la-Charrette (prix Goncourt 1979), Le chemin Saint-Jacques. À l’occasion de son 90e anniversai­re, elle a publié récemment Clin d’oeil au

Temps qui passe.

Sa renommée s’étend dans toute la francophon­ie et son oeuvre est traduite en plusieurs langues.

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