Le Journal de Quebec - Weekend
QUAND LA RÉALITÉ REJOINT LA FICTION
Une famille qui doit rester confinée dans son appartement parisien pour survivre, un Paris désert où les rares personnes qui marchent dans la rue portent des masques... Non, ces scènes n’ont pas été diffusées cette semaine dans un bulletin de nouvelles d’une chaîne française. Elles sont plutôt tirées du thriller Dans la brume, le plus récent film du cinéaste québécois Daniel Roby.
Roby ( Louis Cyr, Funkytown) a tourné ce film-catastrophe français à Paris à l’hiver 2017. Il était loin de se douter à ce moment-là que la réalité rejoindrait la fiction trois ans plus tard.
« C’est vrai que beaucoup de gens me parlent de Dans la brume depuis quelques semaines, indique le réalisateur en entrevue au Journal. Moi-même, je trouve ça parfois troublant de voir les images de Paris en ce moment avec ses rues vides et le confinement. Il y a certainement des liens à faire avec mon film, notamment à travers cette famille qui ne peut pas sortir de son appartement, ce qui amène une réflexion chez ses voisins. »
L’intrigue de Dans la brume tourne autour d’une étrange brume mortelle qui envahit soudainement les rues de Paris. Celle-ci monte peu à peu, obligeant les Parisiens à se réfugier aux étages supérieurs des immeubles et sur les toits de la capitale. Le film relate les efforts d’un couple (joué par Romain Duris et Olga Kurylenko) qui tente de protéger sa fille de 11 ans atteinte d’une maladie rare. « À l’origine, les auteurs de Dans
la brume souhaitaient raconter une histoire écologique, explique Daniel Roby. Ils voulaient que ça tourne autour de l’idée que la planète réagit à l’être humain parce que celui-ci détruit l’environnement. En fait, tous les films post-apocalyptiques partent de ce genre de projection écologique. Les films de zombies, c’est souvent ça aussi. World War Z, par exemple, ça parle d’un virus qui crée des zombies. »
ANTICIPATION
Même si les scénarios de films post-apocalyptiques peuvent parfois sembler tirés par les cheveux, ils sont généralement tournés avec un grand souci de réalisme, selon Roby.
« Je dirais que toute la réflexion de la préparation de Dans la brume a tourné autour de cette question: si ça se produisait pour vrai, comment on réagirait ? explique le cinéaste. Quand tu fais ce genre de film, tu n’as pas [d’autre] choix que d’essayer de rendre ça le plus réel possible.
« Une des questions qui est soulevée, c’est : est-ce qu’on peut faire confiance aux autres ? Parfois, dans ce genre de films, les gens deviennent méfiants les uns envers les autres. Mais parfois, c’est le contraire, ils s’entraident. Ce qu’on vit en ce moment (avec la pandémie de coronavirus) n’est pas aussi intense que ce qu’on voit généralement dans ce genre de films. Mais on observe quand même les deux types de comportements. Il y a beaucoup de gens qui veulent s’aider, mais quand on voit certaines scènes à l’épicerie, l’entraide semble prendre le bord. Je crois que quand la peur gagne les gens, beaucoup d’entre eux craignent d’abord pour leur propre futur. »
TOURNER AVEC DES MASQUES
Alors que plusieurs pays à travers le monde cherchent à acquérir des masques pour leur personnel soignant, Daniel Roby en a lui-même quelques-uns à la maison qu’il a conservés depuis la fin du tournage de Dans la brume.
« C’est assez drôle parce que j’ai chez moi le masque 3M “full face” qu’on voit dans le film, raconte-t-il en riant. J’ai aussi un masque que j’utilisais pendant le tournage à cause de la fumée. Je les ai gardés comme souvenirs de tournage. Mais ils vont peut-être devenir éventuellement des outils de survie ! »
Même s’il s’en réjouit, Daniel Roby avoue être un peu étonné de voir un regain d’intérêt pour son film Dans la
brume dans les circonstances actuelles :
« Je pensais que la dernière chose que les gens auraient envie de faire en ce moment serait de regarder un film là-dessus. Mais pourtant, le thriller
Contagion (de Steven Soderbergh), qui relate l’évolution d’une pandémie dévastatrice, était au deuxième rang des films les plus visionnés sur Netflix la semaine dernière ! Ça veut dire qu’il y a un phénomène inverse: les gens ont le goût de voir des films qui racontent des histoires similaires à ce qu’on vit en ce moment. C’est un peu étrange, mais je crois que c’est par pulsion qu’on a envie de voir comment des personnages fictifs vont réagir dans ce genre de situation. »
Dans la brume a pris l’affiche au Québec à l’été 2018 et se trouve maintenant en vidéo sur demande sur iTunes. Le prochain film de Daniel Roby, Target Number One, sera lancé au cours des prochains mois.