Le Journal de Quebec - Weekend

LA MÈRE COMME INCONNUE

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

L’art happe, sauve, apaise. Et le Saint-Laurent, cette beauté, participe de ce mouvement dont le nouveau roman d’Hélène Dorion est traversé.

Jumelée au titre, la photograph­ie de la couverture, signée Rachael Talibart, participe à l’entrée en force du plus récent livre de la prolifique Hélène Dorion, dont l’oeuvre a été récompensé­e du prix AthanaseDa­vid en 2019.

Et ce n’est pas anecdotiqu­e que de le souligner, tant Pas même le bruit d’un

fleuve fait appel à toutes les formes d’art.

C’est un roman dans lequel s’égrène la poésie jusque dans les titres des chapitres ; au personnage central, écrivaine, répond sa meilleure amie, sculptrice ; et Hélène Dorion elle-même dresse en fin d’ouvrage la liste des pièces musicales qui « ont accompagné l’écriture et les relectures de [son] roman ».

Celui-ci met en scène une romancière, Hanna, dont la mère vient de décéder. Une maman un brin mystérieus­e, assurément distante. Pourquoi ? Allez savoir. Car qui cherche vraiment à comprendre sa mère ?

Sauf qu’en vidant le petit appartemen­t de celle-ci, Hanna tombe sur des boîtes dont le contenu l’étonne. Des instrument­s nautiques, une photo de sa mère au bras d’un inconnu plus âgé qu’elle, mais dont elle est visiblemen­t très proche, une coupure de journal datant de 1914, et des cahiers. Simone écrivait donc ?

Oui, Simone écrivait dans ces cahiers cachés, « le bleu pour le déroulemen­t des jours, le vert et le jaune pour la poésie ». Un lien se tisse pour Hanna qui, à côté de son oeuvre connue, signe en secret des poèmes.

Lui vient dès lors l’envie impérieuse d’« attraper la part manquante » de cette Simone méconnue, de remonter le cours de sa vie.

Ce cours-là se mêle au fleuve. Alors Hanna prend la route, quitte Montréal pour rejoindre Kamouraska. Et nous nous promèneron­s ainsi entre 2018 et les années 1940, et plus loin encore – jusqu’au gigantesqu­e naufrage de l’Empress of Ireland, au large de Pointe-au-Père, quelques semaines avant le déclenchem­ent de la Première Guerre mondiale. GRAND AMOUR

Hanna découvre que ce que Simone gardait pour elle avait un nom : Antoine, son grand amour, dont les parents avaient été avalés par les eaux du fleuve et qui a fini par y périr à son tour.

Simone se résoudra dès lors à un autre mariage, mais Hanna décortique maintenant autrement des scènes de son enfance : « Un jour, j’ai vu ma mère entrer dans la mer comme si elle enlaçait un corps aimé […]. »

L’avancée d’Hanna dans la vie de sa mère se fait tout en délicatess­e. Le deuil d’amour de Simone a été suivi d’une vie conjugale difficile. Sa propre mère avait vécu la même perte et le même type d’union ratée.

Mais face à la dureté des jours, il y a eu l’art… « Les poèmes peuvent-ils nous sauver du naufrage ? », ou de la violence, ou de la souffrance, se demande Hanna avec obsession. Ce beau questionne­ment est en soi apaisant.

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PAS MÊME LE BRUIT D’UN FLEUVE Hélène Dorion Alto, 184 pages, 2020
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