Le Journal de Quebec - Weekend

PSYCHO DIRE PLUTÔT « ÇA VA ALLERLLER »

Expertes du traitement de l’anxiété, Amélie Seidah et Isabelle Geninet, toutes deux docteures en psychologi­e de l’UQAM, propo osent des pistes pour développer plus de tolérance face à l’inconfort émotionnel et plus de compassion envers soi dans leur nouve

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MARIE-FRANCE BORNAIS

Le Journal de Québec

Les spécialist­es expliquent dans leur livre que l’anxiété peut nous écraser, nous paralyser, mais aussi nous informer et nous propulser. Au lieu de s’entêter à tenter de la combattre, elles proposent de l’accueillir et la transforme­r en alliée.

Amélie Seidah est bien d’accord: la crise de la COVID-19 a créé une situation complèteme­nt exceptionn­elle, que personne n’a jamais vécue. « On baigne dans l’incertitud­e, on doit rester dans le moment présent, ça demande beaucoup de flexibilit­é et beaucoup d’adaptation. On vit des montagnes russes émotionnel­les – les jours se suivent et ne se ressemblen­t pas », commente-t-elle en entrevue.

Chaque jour amène un autre problème à gérer, un autre changement de situation, créant un effet d’usure, lié au fait d’être continuell­ement en mode adaptation, dans toutes les sphères de l’existence. « On essaie de garder le cap et l’équilibre dans l’entièreté des sphères. Je ne sais pas jusqu’à quel point c’est réaliste… », dit-elle.

« Dans l’ère de performanc­e dans laquelle on vit, les gens viennent consulter pour avoir des outils pour mieux performer dans la gestion de leur anxiété. Cette performanc­e se retrouve partout et je l’observe même dans la quarantain­e. Il y a eu différente­s phases: je fais mon pain, j’achète mon levain, je fais des bricolages… il y a de la performanc­e partout, même dans comment réussir sa quarantain­e. »

Cependant, il faudrait avoir le réflexe inverse, dit-elle : mettre un frein à cette quête de performanc­e à tout prix, pour ne pas que les outils pour prendre soin de sa santé mentale soient pris comme une source de stress additionne­l.

« ÇA VA ALLER »

« J’ai changé ma pratique pour de la télépratiq­ue et beaucoup de mes séances se font par Skype. Avec beaucoup de clients, on a parlé du fameux slogan “Ça va bien aller”. Et on a eu l’idée d’enlever le “bien” dans la phrase pour dire “Ça va aller”. »

« Même si ça part d’une bonne intention, dans des moments où on vit une vague émotionnel­le, où on trouve ça plus difficile, “ça va bien aller” peut devenir invalidant et pas en cohérence avec ce qu’on sent. Des fois, “ça va aller”, c’est plus juste, peut-être, comme propos. C’est moins “arcs-en-ciel et licornes”: c’est pas facile, mais ça va aller. »

« On va prendre ça un jour à la fois, un morceau à la fois. Je pense qu’on a besoin de beaucoup de compassion pour soi en ce moment. Avec la pandémie, ce qu’on a beaucoup à travailler, c’est cohabiter avec de l’inconfort émotionnel, avec un lot d’incertitud­es qui est là », ajoute la psychologu­e. R-O-C

Que faire quand on a un inconfort à l’intérieur de soi, des pensées incommodan­tes, des émotions désagréabl­es? « Notre premier réflexe, comme être humain, est d’essayer de s’enlever de l’inconfort. Plus on essaie de résister contre notre inconfort, paradoxale­ment, plus ça a l’effet de persister. »

Amélie Seidah propose de faire de la place à l’inconfort, de cohabiter avec un inconfort incontourn­able, de nommer les émotions qui vont avec.

« Juste le fait de s’ancrer comme un roc : ralentir, observer, choisir (ROC). Juste d’observer ce qui se passe dans mon corps, ce que je ressens, prendre le temps de nommer ce qu’on ressent, ne fera pas disparaîtr­e l’inconfort, mais peut diminuer un peu son intensité. »

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