Le Journal de Quebec - Weekend
TÉLÉTRAVAIL LA SANTÉ MENTALE DES EMPLOYÉS, UNE PRIORITÉ
Pour la première fois depuis ses débuts en 2002, la firme montréalaise de créativitech Turbulent n’a pas subi les contrecoups d’une crise. Même la COVID-19 n’a pas fait trembler l’entreprise cofondée par Marc Beaudet.
Assurant entre autres le succès de la plateforme éducative Ma Zone CEC, du site de recettes de Ricardo et du jeu vidéo en ligne Star Citizen, la compagnie a même gonflé son équipe de quelque 80 employés. Surtout, elle a rapidement su s’adapter à la nouvelle réalité du télétravail.
« Les entreprises d’informatique partaient peut-être avec une longueur d’avance, reconnaît le président. La comptabilité était entièrement dans le
cloud, il y avait un système de feuilles de temps. […] On est aussi en horaires flexibles. Toute l’infrastructure logicielle que ça prend pour opérer une compagnie était là. La plateforme de messagerie Slack aussi. »
BOULEVERSEMENTS PERSONNELS
Par contre, comme les employés devaient composer avec une intense période de stress et une réelle insécurité, d’autres défis se sont imposés.
« Ce qui est difficile, c’est beaucoup plus la santé mentale. Ce sont beaucoup de changements en même temps. Tout d’un coup, tu travailles de la maison, tu n’as plus le droit d’aller au restaurant, ta vie devient un peu monotone. […] On a vu des employés se réfugier dans le travail. Ils entraient 40 heures dans le système de feuilles de temps, mais on savait qu’ils en faisaient 60. »
Ainsi, à Pâques, l’épuisement des troupes s’est grandement fait sentir. « Les gens étaient vraiment fatigués. Pourtant, on n’avait demandé à personne d’aller en heures supplémentaires. Mais je pense que de tout d’un coup changer de vie complètement et de ne plus sortir de chez vous, ce n’est pas fatigant physiquement. C’est fatigant mentalement. »
Loin des bienfaits du partage d’un espace professionnel, où certains trouvent refuge, un besoin primordial est né : débrancher un peu les gens de leurs tâches.
« Notre enjeu, c’était de garder les gens heureux. Le travail ne peut pas être le seul élément [de bonheur]. On a organisé des “beer & fridge” virtuels, on a fait venir un DJ pour un party, on a eu un concours de déguisements. […] On s’est assuré aussi que dans toutes les réunions, une période était prévue pour de la conversation non organisée. Par exemple, toute une équipe raconte sa fin de semaine... »
UNE MEILLEURE VUE D’ENSEMBLE
De plus, le fait que les employés travaillent de chez eux a modifié positivement certaines perceptions.
« Avant la crise de la COVID-19, le télétravail était toujours un peu mal perçu ; on avait l’impression que les gens allaient faire leur lavage ou tondre leur gazon, souligne Marc Beaudet. Maintenant, dans les nouvelles politiques de l’entreprise, la personne va pouvoir choisir d’être 100 % en télétravail, mixte, ou 100 % au bureau. »
Même si le retour au bureau tant souhaité de nombreux membres de son équipe ne surviendra probablement pas avant encore plusieurs mois, le président de Turbulent exploite pleinement les possibilités des réunions virtuelles et des « briefings » de projets. Il parvient ainsi à prendre plus rapidement diverses décisions. « Ce qui est surprenant, c’est qu’on pense que parce qu’on voit [les employés] dans un espace physique, qu’on contrôle. En réalité, on est vraiment mal informé. C’est un mythe. Je suis beaucoup plus au courant de mes affaires actuellement que quand je les voyais de mon bureau. »