Le Journal de Quebec - Weekend
MIEUX COHABITER AVEC SES ÉMOTIONS
Qui n’a jamais (ré)agi sous le coup de l’émotion ? Qui n’a pas cette petite voix intérieure qui répète qu’on est trop ceci ou pas assez cela ? Vivre sereinement avec ses pensées et ses sentiments n’est pas toujours facile, mais ça s’apprend. Bienvenue dans l’univers de l’agilité émotionnelle.
Quand il est question de fierté, de gratitude, d’amour, de joie et de sérénité, nous sommes pas mal toutes des championnes en matière de gestion des émotions. C’est lorsque la critique, la colère, la déception, la culpabilité, le doute, les inquiétudes et la peur se pointent que cela se corse. La plupart du temps, nous tentons de maîtriser les sentiments qui nous déplaisent. Or, de nombreuses études en psychologie ont montré que non seulement c’était impossible à faire, mais qu’en essayant de réprimer nos émotions, on pouvait les amplifier.
Psychologue à la Faculté de médecine de Harvard et coach en entreprise, Susan David fait partie de ceux qui ne sont pas adeptes du contrôle des émotions ni de la pensée positive. Celle qui étudie depuis plus de 20 ans l’influence des émotions sur le comportement a développé le concept d’agilité émotionnelle. « Le processus ne consiste pas à ignorer les émotions et les pensées toxiques. Il consiste à les accueillir avec bienveillance, à les affronter courageusement et avec compassion, puis à les dépasser pour que de grandes choses se produisent dans votre vie », écrit l’auteure du best-seller L’agilité émotionnelle, l’art d’accueillir
les émotions et de les transformer. Loin d’être innée, l’agilité émotionnelle est une aptitude qui s’apprend.
Acceptation, bienveillance, compassion, flexibilité, authenticité… Si on a l’impression d’avoir déjà entendu ce vocabulaire, c’est que l’agilité émotionnelle s’inspire du courant de la pleine conscience ( mind
fulness) et de la troisième vague des thérapies comportementales et cognitives en psychothérapie, comme la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT).
ICI ET MAINTENANT
Psychologues au centre Axe Humanité, Jean-Marc Perreault et Valérie Desloges ont intégré l’ACT à leur pratique clinique. Bien qu’ils parlent de « flexibilité psychologique » plutôt que d’« agilité émotionnelle », leur approche reste la même, soit la capacité d’observer ce qui se passe ici et maintenant, autant à l’intérieur de nous (pensées, sentiments, sensations corporelles, souvenirs) qu’à l’extérieur (conséquences de nos actions). « L’idée est de ne pas laisser ce qui se passe à l’intérieur dicter notre comportement. Nos valeurs deviennent ainsi le moteur de nos actions, même si ce n’est pas toujours facile », résume Valérie Desloges.
Parce qu’elle amène une personne à prendre en main son développement personnel, ses relations et sa carrière, parce qu’elle l’encourage à faire des choix de vie en fonction de ses valeurs, l’agilité émotionnelle est à la base du bien-être et de l’épanouissement, selon les psychologues.
Qu’on l’appelle agilité émotionnelle, flexibilité psychologique ou même intelligence émotionnelle, cette aptitude est de plus en plus valorisée dans le monde professionnel. Des études, menées surtout à l’Université de Londres par le professeur en psychologie du travail Frank Bond, ont d’ailleurs montré que l’agilité émotionnelle au travail contribue à réduire le stress et les erreurs. Plus encore, elle accroît les capacités d’innovation et améliore les performances.
« Un employeur stressé ou préoccupé par ses finances sera probablement plus impatient avec son personnel. Mais l’employeur flexible psychologiquement et qui veut prendre soin de ses employés se montrera gentil avec ceux-ci, parce qu’il sait cohabiter avec ses émotions désagréables… Ce qui se traduira au bout du compte par une productivité supérieure pour tout le monde », explique Jean-Marc Perreault. L’agilité émotionnelle est également un facteur de réussite, selon Susan David, notamment quand elle nous permet de mettre en pause la cassette qui joue en boucle dans notre tête en répétant qu’on « n’est pas assez bonne », pour enfin demander une promotion ou une augmentation de salaire.
L’agilité émotionnelle peut donc être vue comme une invitation à sortir de notre zone de confort et à profiter de toutes les occasions d’apprendre et de grandir, au lieu de nous résigner passivement à notre sort.