Le Journal de Quebec - Weekend

AU COEUR DU FANATISME

- MAXIME DEMERS Le Journal de Montréal maxime.demers @quebecorme­dia.com Le jeune Ahmed prend l’affiche le vendredi 10 juillet.

Marqués par les attentats terroriste­s qui ont frappé la France et la Belgique en 2015 et en 2016, les cinéastes belges Jean-Pierre et Luc Dardenne se sont penchés sur la délicate question du fanatisme religieux dans leur nouveau film, Le jeune Ahmed, un drame social qui suit le cheminemen­t d’un adolescent musulman qui bascule dans le radicalism­e islamiste.

Le jeune Ahmed, qui a remporté le prix de la mise en scène au Festival de Cannes l’an passé, n’est pas le premier film à s’intéresser au sujet brûlant du radicalism­e islamiste. Mais la particular­ité de ce nouveau long métrage des frères Dardenne ( L’Enfant, Rosetta), c’est qu’il aborde le problème sous un angle inédit, en mettant en scène un personnage à peine sorti de l’enfance.

« Ce qui nous intéressai­t dans ce sujet, c’était de raconter l’histoire d’un personnage et de voir s’il était capable de sortir de son fanatisme », indique JeanPierre Dardenne lors d’un entretien téléphoniq­ue accordé au Journal cette semaine.

« Au début, on avait en tête un personnage plus âgé, 17 ou 18 ans, mais le problème, c’est qu’on n’arrivait pas à le faire sortir de son fanatisme. C’était trop romanesque et ça ne correspond­ait pas à la réalité qu’on voyait autour de nous. On a donc eu l’idée d’essayer avec un personnage plus jeune. C’est de là qu’est né le jeune Ahmed, qui a 13 ans. On s’est dit qu’à cet âge-là, ça serait encore possible de le faire sortir de son fanatisme. » Le jeune Ahmed suit donc le destin d’Ahmed (Idir Ben Addi), un jeune garçon arabo-belge de 13 ans qui a grandi dans une famille musulmane ouverte et tolérante, mais qui a bifurqué vers le radicalism­e islamiste en côtoyant un imam intégriste. Après avoir tenté maladroite­ment de tuer son enseignant­e que son imam a qualifiée de femme impure, Ahmed sera placé dans un centre pour jeunes radicalisé­s.

Le sujet étant délicat, particuliè­rement en Belgique où plusieurs villes ont été touchées par le phénomène islamiste, les frères Dardenne ont fait beaucoup de recherche et ont rencontré plusieurs intervenan­ts pour s’assurer que leur scénario était fidèle à la réalité: « On le fait pratiqueme­nt pour chaque film, mais dans ce cas-ci, on a dû le faire davantage, souligne Jean-Pierre Dardenne. L’écriture de ce scénario nous a d’ailleurs pris plus de temps et s’est avérée plus difficile que d’habitude pour nous. »

INNOCENCE

Jean-Pierre et Luc Dardenne ont rencontré plus d’une centaine de comédiens pour trouver l’interprète du personnage d’Ahmed. Comme ils l’ont souvent fait dans leurs oeuvres précédente­s, les deux cinéastes, qui ont déjà remporté la Palme d’or de Cannes à deux reprises dans le passé, ont finalement confié le rôle principal du film à un jeune acteur qui n’avait encore jamais joué à l’écran.

« Ce qui nous a tout de suite séduits chez Idir Ben Addi, c’est l’innocence de son visage, explique Jean-Pierre Dardenne. Il ne porte pas la violence sur lui. On voulait filmer un personnage qui est encore un enfant, mais qui commet des gestes qui n’ont rien à voir avec l’enfance. Un enfant est normalemen­t tourné vers la vie. Pas vers la mort. » Après avoir lancé Le

jeune Ahmed au Festival de Cannes il y a un an, les frères Dardenne ont présenté le film dans plusieurs projection­s publiques en Belgique. Mis à part quelques discussion­s enflammées avec quelques spectateur­s plus sensibles au sujet, ils ont été heureux de constater que le film avait touché la cible.

« Je crois que les gens ont vu le film à travers les yeux du personnage de la mère d’Ahmed, et c’est un peu aussi de cette façon qu’on avait écrit le scénario », observe Luc Dardenne.

« On voulait se mettre dans la peau d’une personne qui constate que ce garçon nous échappe et ne reviendra pas vers nous. Lors des projection­s du film qu’on a fait avec du public, on a eu beaucoup de témoignage­s de parents qui nous disaient qu’ils avaient l’impression que leurs enfants leur échappaien­t quand ils tombaient dans la religion de manière aussi fanatique. C’est la raison pour laquelle on a voulu que dans le film, le personnage d’Ahmed soit fermé, prisonnier en quelque sorte du discours fanatique que lui a donné l’imam. »

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Le jeune Ahmed.
PHOTOS COURTOISIE
Une scène du film Le jeune Ahmed. PHOTOS COURTOISIE
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Les frères Jean-Pierreet Luc Dardenne, cinéastes
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