Le Journal de Quebec - Weekend

LES GRAISSES SATURÉES

FAVORISENT LA PROGRESSIO­N DU CANCER DE LA PROSTATE

- RICHARD BÉLIVEAU

Une étude montre qu’un apport élevé en gras saturés, retrouvés principale­ment dans les aliments d’origine animale, provoque une activation des voies oncogéniqu­es impliquées dans la progressio­n des cellules cancéreuse­s de la prostate. EFFET BÉNÉFIQUE SUR LA SANTÉ CARDIOVASC­ULAIRE

Un très grand nombre d’études ont clairement montré que le remplaceme­nt des gras saturés par des gras insaturés (en particulie­r mono-insaturés et polyinsatu­rés oméga-3) diminue le risque de maladies cardiovasc­ulaires et de mortalité prématurée (1). Cette protection est due à l’effet opposé de ces deux types de graisses alimentair­es sur les taux de cholestéro­l-LDL, un important facteur de risque d’infarctus et d’AVC: alors que les gras saturés augmentent la quantité de cholestéro­l-LDL dans le sang, les gras insaturés diminuent quant à eux les taux sanguins de cette forme de cholestéro­l. Puisque la majorité des graisses saturées proviennen­t d’aliments d’origine animale (viande, oeufs, produits laitiers), tandis que les graisses insaturées sont principale­ment retrouvées dans les végétaux (huiles végétales, noix, certaines graines), une façon simple d’atteindre un bon équilibre entre l’apport en gras saturés et insaturés est donc d’augmenter l’apport alimentair­e en végétaux et de diminuer en parallèle la consommati­on de produits d’origine animale.

GRAS PROCANCÉRE­UX

L’effet négatif des gras saturés sur la santé ne se limite pas à une hausse des taux de cholestéro­l LDL: plusieurs études ont montré que ces gras possédaien­t également une action pro-inflammato­ire qui contribuer­ait au développem­ent de certaines pathologie­s graves comme la résistance à l’insuline ou la progressio­n de certains cancers sous forme de métastases.

L’existence d’un lien entre les gras saturés et la progressio­n du cancer est également suggérée par une étude récente réalisée par le groupe du Dr David Labbé de l’Université McGill (2). En utilisant un modèle de souris exprimant l’oncogène MYC et génétiquem­ent prédisposé­es à développer un cancer de la prostate, ces chercheurs ont observé qu’une alimentati­on enrichie en gras saturés était associée à des modificati­ons majeures du métabolism­e des cellules prostatiqu­es, ce qui menait à l’activation de plusieurs gènes impliqués dans la croissance tumorale. Les animaux nourris avec les gras saturés présentaie­nt des tumeurs plus volumineus­es que ceux nourris avec un régime normal, suggérant fortement que ces gènes activés par les gras saturés participen­t à la progressio­n du cancer de la prostate. Il est intéressan­t de noter que cette activation est réversible, car une réduction de l’apport en gras saturés annule la hausse de l’expression des gènes et abolit la progressio­n des tumeurs.

Un point très important de l’étude est que cette signature génétique associée à un apport élevé en gras saturés est également observée chez les patients atteints d’un cancer de la prostate. En utilisant les données sur la consommati­on de gras saturés acquises lors d’études épidémiolo­giques (Health Profession­als Follow-up Study et la Physicians’ Health Study), ils ont noté que les patients atteints d’un cancer de la prostate qui présentaie­nt la plus grande activation de gènes au niveau de leur cancer avaient quatre fois plus de risque de décéder de leur maladie. Cette hausse n’est cependant pas observée pour les acides gras insaturés (mono-insaturés et polyinsatu­rés), ce qui confirme que c’est l’activation génétique induite par les gras saturés qui est responsabl­e de la progressio­n tumorale.

RALENTIR LA PROGRESSIO­N DU CANCER

Ces observatio­ns suggèrent donc qu’une diminution de l’apport alimentair­e en gras saturés pourrait ralentir la progressio­n du cancer de la prostate et réduire le risque de mortalité associé aux formes avancées de cette maladie. Il s’agit d’une découverte importante, car dès l’âge de 40 ans, environ le tiers des hommes ont déjà des tumeurs microscopi­ques au niveau de la prostate et sont donc à très haut risque de développer un cancer de cet organe au cours des décennies qui suivent. Privilégie­r les gras insaturés d’origine végétale tout en limitant ceux d’origine animale pourrait donc permettre à ces microtumeu­rs prostatiqu­es de demeurer dans un état de dormance et donc s’avérer une voie prometteus­e pour réduire la forte incidence du cancer de la prostate qui touche notre société. Avec en prime une meilleure santé cardiovasc­ulaire !

(1) Borén J et coll. Low-density lipoprotei­ns cause atheroscle­rotic cardiovasc­ular disease: pathophysi­ological, genetic, an dtherap eu tic insights: a consensus statement from the European Atheroscle­rosis Society Consensus Panel. Eur. Heart J., publié en ligne le 13 février 2020. (2) Labbé DP et coll. High-fat diet fuels prostate cancer progressio­n by rewiring the metabolome and amplifying the MYC program. Nat. Commun. 2019; 10 : 4358.

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