Le Journal de Quebec - Weekend

DIRE NON À LA BÊTISE DU MONDE

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Dans ce nouveau roman coup de poing, intense, où les émotions sont à vif, l’écrivain français Alexandre Jardin dresse le portrait de gens ordinaires dont la vie bascule après la fermeture de l’usine qui fait vivre toute la ville. Les héroïnes de Française, des soeurs aux destins inattendus, qui vivent à 200 à l’heure, sont des femmes qui se tiennent debout. Elles ont la rage au coeur, le feu au cul et disent non à la bêtise du monde.

Toujours aussi volubile et étonnant en entrevue, Alexandre Jardin parle avec fougue de ce roman coloré, exubérant, charnel, né d’une envie de parler des gens simples privés de vies simples.

« Je vis dans un pays de fous où Paris ne comprend rien au reste du pays, commente-t-il. Il y a une coupure avec le reste du pays qui est dingue. C’est comme si on ne savait pas ce qui se passait dans ce pays. Or moi, j’ai vu ce pays bouger depuis 20 ans avec mes programmes. Je me suis bien rendu compte que le romanesque, il n’est plus à Paris, il est dans les territoire­s français. »

Les gens qui innovent, qui tentent des trucs, ne sont plus dans le 6e arrondisse­ment, martèle-t-il. « La vitalité n’est plus du tout au centre. Je me suis en plus rendu compte, d’expérience, qu’un engagé, en France, c’est une engagée. C’est une fille. Les gens qui font bouger les villes, ce sont des femmes. Dans Lire et faire lire, il y a 90 % de femmes. »

Il s’est dit que c’était le moment d’être cohérent avec l’homme engagé qu’il est depuis 20 ans – donc de s’aligner – et de revenir au grand roman populaire qui raconte l’identité d’un pays. « Le grand roman populaire redémarre, à la fois dans son côté catastroph­ique, et dans son énergie. Parce qu’il se trouve que, quand l’être humain est dans la merde, il cherche des solutions ! »

TROIS SOEURS

Le roman parle de trois soeurs, Kelly, Cerise et Cindy. Kelly est frivole et refuse d’être victime d’agression et d’abandon. Cerise voit la vie en rose… jusqu’à tant qu’on lui pique son mari. Cindy, de son côté, enfile un voile et part en Syrie épouser son amoureux islamiste. Leur mère, Lucette, perd la boule.

La vie de ces femmes, et de toute une galerie de personnage­s, explose lorsque la Compagnie normande d’Expédition, l’entreprise qui fait vivre la localité, est obligée de fermer ses portes. Lorsque la taxe des carburants augmente, les habitants envahissen­t les ronds-points, un gilet jaune sur le dos. D’un coup, la vie de Kelly bascule dans la violence.

« SURACTIF » PENDANT LE CONFINEMEN­T

Par ailleurs, Alexandre Jardin, homme rassembleu­r et charismati­que, confie qu’il a été « suractif » pendant le confinemen­t. « J’étais fou de rage. Être enfermé, je ne supporte pas », dit-il.

Quand il a réalisé qu’il y avait des problèmes de renforts dans les hôpitaux, il s’est attelé au problème et, grâce à ses nombreux contacts privilégié­s, a mis sur pied un réseau d’assistance d’urgence.

« J’ai monté tout le plan de comm. J’ai téléphoné à toutes les rédactions. Et on a trouvé 28 000 personnel soignant. Je me suis déchaîné sur mon balcon: j’ai dû donner 500 coups de fil ! Et je me suis dit, il n’y a qu’un type dans mon genre qui peut débloquer ça. »

Française était imprimé et bloqué dans les entrepôts. « J’avais Française confiné, sous une tente à oxygène. Ça m’a rendu fou, donc j’ai commencé à écrire Française 2, la suite. Je suis contre le fait qu’on m’enferme, et qu’on enferme mes personnage­s. »

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