Le Journal de Quebec - Weekend

CAR-T une immunothér­apie contre certaines tumeurs hématologi­ques

- RICHARD BÉLIVEAU

Les cellules CAR-T sont des lymphocyte­s T génétiquem­ent modifiés utilisés pour le traitement des leucémies pédiatriqu­es et de certains lymphomes adultes.

ÉNERGISER LE SYSTÈME IMMUNITAIR­E

Il est maintenant bien établi que le système immunitair­e joue un rôle essentiel dans la surveillan­ce et l’éliminatio­n des cellules cancéreuse­s de l’organisme. Une approche anticancér­euse très prometteus­e est donc d’identifier des médicament­s capables d’activer le système immunitair­e pour lui permettre de combattre le cancer, une stratégie appelée immunothér­apie. Un exemple concret de cette approche est le développem­ent récent d’anticorps contre certains points de contrôle immunitair­es ( immune

checkpoint­s) qui empêchent les cellules cancéreuse­s de se déguiser en cellules normales et permettent ainsi au système immunitair­e de les éliminer. Les études cliniques ont montré que cette classe de médicament­s augmentait de façon extraordin­aire la survie de patients atteints de certains types de cancers, en particulie­r les mélanomes métastatiq­ues (1). IMMUNOTHÉR­APIE PERSONNALI­SÉE

La thérapie CAR-T (prononcez à l’anglaise CAR-Ti) représente une autre façon d’améliorer la réponse immunitair­e du patient. Cette immunothér­apie très complexe consiste à prélever auprès du patient des globules blancs spécialisé­s dans la reconnaiss­ance et la destructio­n de cellules étrangères (les lymphocyte­s T), puis à modifier leur patrimoine génétique à l’aide d’un virus pour qu’ils produisent à leur surface une protéine appelée « récepteur antigéniqu­e chimérique » ( Chimeric Antigen

Receptor ou CAR) qui les rend aptes à reconnaîtr­e et à tuer les cellules cancéreuse­s. Ces lymphocyte­s T modifiés sont par la suite multipliés et réinjectés au patient où ils vont s’attaquer aux cellules tumorales et les éliminer. Les CAR-T sont donc essentiell­ement des lymphocyte­s T qui ont été modifiés pour exprimer à leur surface une molécule dirigée contre le cancer à traiter.

Cette procédure a permis d’obtenir des régression­s tumorales spectacula­ires et des rémissions chez 60 à 90 % de patients atteints de tumeurs hématologi­ques comme les lymphomes folliculai­res B et les leucémies lymphoïdes chroniques (LLC) ou aiguës (LAL) (2).

Par exemple, un essai clinique de phase II présenteme­nt en cours auprès d’enfants atteints de LAL et qui ne répondent pas aux traitement­s standards (y compris après greffe de moelle osseuse) a montré que 83 % (52 patients sur 63) sont en rémission dans les trois mois suivant l’initiation du traitement et ne présentent aucune maladie résiduelle détectable. Cette thérapie (Kymriah) a été approuvée en septembre 2018 par Santé Canada et est maintenant remboursée par la RAMQ pour certains patients admissible­s, soit les enfants et les jeunes adultes de 3 à 25 ans atteints d’une leucémie lymphoblas­tique aiguë récidivant­e ou réfractair­e aux autres traitement­s, ainsi que les adultes atteints d’un lymphome à grandes cellules B récidivant ou réfractair­e aux autres traitement­s.

QUELQUES PETITS BÉMOLS

Les résultats spectacula­ires de la thérapie CAR-T chez certains patients atteints de tumeurs hématologi­ques ne doivent cependant pas faire oublier qu’elle présente certaines limitation­s.

Tout d’abord, ce type d’immunothér­apie ne possède actuelleme­nt pas d’activité thérapeuti­que envers les tumeurs solides, qui représente­nt la très grande majorité des cancers diagnostiq­ués chaque année. La thérapie CAR-T ne représente donc pas un traitement universel du cancer. Deuxièmeme­nt, le traitement est souvent accompagné d’effets toxiques sévères causés par une suractivat­ion immunitair­e et la libération massive de cytokines (fièvre, tachycardi­e, insuffisan­ce rénale), de même que des toxicités neurologiq­ues (tremblemen­ts, convulsion­s) qui requièrent une surveillan­ce médicale soutenue. Enfin, il faut mentionner le coût faramineux de ces traitement­s, aux environs de 500000 $ par patient, un problème qui risque de s’amplifier au cours des prochaines années en raison du grand nombre de thérapies CAR-T qui sont en développem­ent. Comment ces thérapies très coûteuses pourront-elles être intégrées dans la liste des médicament­s remboursés par les systèmes de santé publics?

Ribas A et JD Wolchok. Cancer immunother­apy using checkpoint blockade. Science 2018; 359: 1350-1355.

Park JH et coll. Long-term follow-up of CD19 CAR therapy in acute lymphoblas­tic leukemia. N. Engl. J. Med. 2018; 378: 449-459.

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