Le Journal de Quebec - Weekend

LA TOUTE DERNIÈRE ENQUÊTE DE KOUPLAN

Une famille. Un an. Bali.

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Pour celles et ceux qui ont suivi avec intérêt les enquêtes du réfugié iranien Kouplan, ce dernier opus intitulé Là où se trouve le coeur sera peut-être un coup de coeur. L’écrivaine suédoise Sara Lövestam nous en parle.

KARINE VILDER

Au Québec comme ailleurs, Sara Lövestam a tout de suite remporté un immense succès avec Chacun sa vérité, le premier volet d’une série consacrée à un jeune clandestin d’origine iranienne qui, pour pouvoir se payer à manger, devra s’improviser détective. Son nom? Kouplan. C’est en tout cas comme ça qu’il préférera se faire appeler, une fois arrivé en Suède. Parce que comme certains le savent déjà, Kouplan, dont le vrai prénom a jadis été Nesrine, est un transsexue­l.

« Pour ce premier volet, j’avais en tête l’idée d’une petite fille qui allait disparaîtr­e et de quelqu’un qui allait essayer de la retrouver, explique Sara Lövestam, qui a été jointe chez elle, à Stockholm. Mais je ne voulais pas que ce quelqu’un soit flic, parce que la police ne m’intéresse pas et qu’en plus, je ne connais pas grand-chose à ce milieu. Je savais qu’écrire ce roman exigerait près d’un an de travail, alors il était important pour moi de créer un personnage complexe dont je n’allais pas me lasser. »

« À ce moment-là, dans les médias, on parlait beaucoup des communauté­s

undergroun­d d’immigrants, poursuit Sara Lövestam. On y affirmait qu’elles constituai­ent une grande menace pour la société suédoise. Pourtant, du temps où j’enseignais le suédois aux immigrants – dont certains étaient des illégaux –, aucun de mes étudiants n’a jamais collé à ce profil de criminels louches. Au contraire. Je me suis donc inspirée d’eux pour créer le personnage de Kouplan, car je n’étais vraiment pas d’accord avec ce qu’en disaient les médias. Et puis j’aime avoir des héros surprenant­s dans mes livres. Ils peuvent être hommes ou femmes, suédois ou étrangers, hétérosexu­els ou gais. Ou même transsexue­ls parfois. Dans mon entourage, il y en a beaucoup. »

CHERCHER LE FRÈRE

Depuis 2016, on peut ainsi suivre les enquêtes de Kouplan, dont le boulot de détective sans papiers a commencé avec cette petite annonce toute simple: « Si

la police ne peut rien pour vous, n’hésitez pas à faire appel à moi. » Une petite annonce qui vaut aussi pour lui, puisque la police ne peut l’aider à retrouver son frère Nima, qui a été arrêté et enfermé dans une prison iranienne pour ses activités contre le régime. Mais comme ça s’est passé il y a déjà plus de huit ans, Kouplan a toutes les raisons de croire que Nima a réussi à s’enfuir et oui, il est bien décidé à retrouver sa trace.

« Là où se trouve le

coeur est différent des trois précédents tomes, précise Sara Lövestam. Jusqu’à présent, Kouplan a toujours travaillé pour les autres. Mais là, je tenais à ce qu’il travaille pour lui en partant à la recherche de son frère. »

Une nouvelle enquête qui aurait sans doute été nettement plus facile si Kouplan s’était encore appelé Nesrine et si les hormones ne l’avaient pas rendu totalement méconnaiss­able. Car ce n’est certes pas avec la tête qu’il a maintenant que son frère risque de le reconnaîtr­e au premier coup d’oeil! Néanmoins, ce changement d’apparence aura un avantage: permettre à Kouplan de retourner au

Kebab d’Azad sans courir le risque d’être identifié, même si quantité d’autres immigrants illégaux lui ont succédé en cuisine. Il tient en effet mordicus à y récupérer une photo de Nima, et ce faisant, il apprendra que l’un de ces clandestin­s a récemment été assassiné. « Ayant désormais son permis de séjour, un endroit sécuritair­e où loger et un stage rémunéré, Kouplan voudra donc absolument faire quelque chose pour ces réfugiés qui sont maltraités et exploités parce qu’ils n’ont rien et presque tout à perdre », ajoute Sara Lövestam.

REVENIR À LA NORMALE

Bien ficelée, l’intrigue nous donne un excellent aperçu de la misère de ces hommes et de ces femmes qui ne peuvent se plaindre à la police ou parler des sévices dont ils sont régulièrem­ent victimes, de peur d’être renvoyés illico presto dans leur pays d’origine.

Quant à Kouplan, il n’aura probableme­nt jamais été aussi bien dans sa peau de toute sa vie. Ce qui lui permettra d’ailleurs de nous quitter sur une note positive, Là où se trouve le coeur étant le quatrième et dernier tome de la série. « Je sais que ça va paraître bizarre, mais je sentais qu’il fallait que je le laisse partir, que je le laisse continuer à vivre loin des projecteur­s, souligne Sara Lövestam. Et puis je souhaitais aussi revenir à ce que j’ai l’habitude d’écrire, à savoir des romans tout court. La série Koupland a ainsi été pour moi très amusante à faire parce que je ne suis pas une auteure de polars! »

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 ??  ?? LÀ OÙ SE TROUVE LE COEUR Sara Lövestam, aux Éditions Robert Laffont, 342 pages.
LÀ OÙ SE TROUVE LE COEUR Sara Lövestam, aux Éditions Robert Laffont, 342 pages.
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