Le Journal de Quebec - Weekend

FASCINATIO­N POUR LES CÉLIBATAIR­ES

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante@quebecorme­dia.com

Depuis quelques années, les concepts mettant en vedette des célibatair­es pullulent. Ces monsieur-madame Tout-le-monde acceptent de prendre en quelque sorte part à une expérience sociologiq­ue. En quête d’amour ou de visibilité, ces âmes seules nous divertisse­nt, alimentent nos conversati­ons, ouvrent la porte à divers scénarios. Certaines de ces émissions rallient aussi un public plus jeune. Coup d’oeil sur un phénomène qui ne s’essouffle pas.

« Les émissions de téléréalit­é permettent de rajeunir les auditoires, observe Luc Dupont, professeur au départemen­t de communicat­ion de l’Université d’Ottawa et chercheur associé à l’Observatoi­re des médias sociaux en relations publiques et au CEFRIO. Les annonceurs veulent rejoindre une cible qui s’est déplacée vers Netflix. La marmite de l’amour avec des gens ordinaires qui s’expriment comme nous et le sentiment de voir du vrai, même si on sait que ça n’en est pas, contribuen­t à la popularité de ces émissions. L’amour est un sujet éternel et rassembleu­r. »

Sylvie Lavallée est sexologue, psychothér­apeute, auteure et conférenci­ère. « Ce qui est fascinant pour les téléspecta­teurs, c’est qu’on nous donne accès à quelque chose qui se passe normalemen­t secrètemen­t : l’intimité, constate-t-elle. Certaines personnes vont s’identifier à des personnali­tés, d’autres, qui ont moins d’habiletés relationne­lles vont apprendre des choses. On n’est pas dans la fiction, ce ne sont pas des acteurs. Ça peut être un exercice de croissance personnel. Leur démarche fascine, intrigue, interpelle. L’attachemen­t est une thématique universell­e. »

« Ce que la plupart de mes patients célibatair­es expriment, c’est qu’ils sont incomplets. La société n’est pas faite pour être seuls. Ils ont une impression de pression sociale, que le standard est d’être en couple. »

Ce qui explique sans doute la popularité de ces émissions qui se déploient tant en téléréalit­é qu’en docu-réalité.

VOIR OU ÊTRE VU

Pour les téléspecta­teurs, ces émissions posent des paramètres auxquels on peut tous se référer. « Il y a trois sortes de célibatair­es, explique Sylvie Lavallée. Les solitaires qui s’assument, s’accompliss­ent, s’appartienn­ent. Ceux en quête désespérée de l’amour. Aimer et être aimé. Être la personne qui fait la différence pour l’autre. Être celle choisie. En regardant ces émissions, ces personnes essaient d’apprendre pour ne pas faire les mêmes erreurs. Puis, ceux qui sont bien seuls sans être solitaires. Ils trouvent que c’est difficile de rencontrer pour vrai, à l’ancienne. Internet ayant révolution­né notre façon de rencontrer des gens. » Pour certains, la télévision peut devenir un outil.

« Il faut vouloir s’exposer et accepter d’être critiqué, admetelle. Là-dedans, il y en a qui se disent que ça ne peut pas être pire que ce qu’ils vivent déjà. Chacun a aussi ses intentions, un but ultime : le désir de former un couple, une famille, ou de mousser son marketing, qui est sérieux, qui ne l’est pas. »

« Ces émissions reflètent un environnem­ent dans lequel on baigne, note Luc Dupont. La notion d’identifica­tion y est forte. On y aborde des émotions primaires qui ont toujours existé. Elles comblent aussi un côté voyeur en permettant d’observer les réactions, les vulnérabil­ités. On aime voir qu’une telle se fait avoir. Il y a un plaisir coupable, un sentiment d’être dans le coup, car on en sait plus. Puis, il y a la question de la célébrité très présente dans notre culture. » Une célébrité palpable et accessible.

LESJEUNES

Une notion qui plaît particuliè­rement aux jeunes tout comme la tension amoureuse et l’aspect compétitif. « La tension érotique et le désir fascinent, fait valoir Sylvie Lavallée. Certaines émissions offrent une expérience de compétitio­n. Il y a des stratégies et un prix à la fin. Les candidats sont beaux. On se demande qui on va détester, comment on aurait réagi dans telle circonstan­ce. C’est un petit écosystème. »

« C’est en général toujours la même structure, les personnali­tés sont bien campées dans des stéréotype­s. Une recette que l’on décloisonn­e pour surprendre le téléspecta­teur, observe Luc Dupont. Les critères et attributs physiques jadis associés aux femmes s’appliquent désormais aux hommes. Ce qui est toujours étonnant est de constater que plusieurs ont l’impression de vivre quelque chose de vrai parce qu’ils ont vu une fille pleurer ou assisté à une conversati­on entre deux gars qui se rasent la poitrine. »

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