Le Journal de Quebec - Weekend

L’ÉCOLE EN SANTÉ, C’EST AUSSI L’ÉCOLE EN SANTÉ MENTAL

- Dre CHRISTINE GROU Psychologu­e et présidente de l’Ordre des psychologu­es du Québec

Lieu d’apprentiss­ages et de découverte­s, l’école est d’abord et avant tout un important milieu de vie. Tout de suite après la maison familiale, c’est là où les enfants et les adolescent­s passent le plus clair de leur temps, nouent des amitiés précieuses tout en composant avec différente­s personnali­tés.

Une bonne santé est certaineme­nt un facteur essentiel qui permet aux enfants de profiter pleinement des apprentiss­ages de l’école. L’aspect physique de la santé est donc important, mais aussi l’aspect psychologi­que, car c’est la clé pour apprendre et socialiser. Créer et multiplier les conflits, contester sans cesse l’autorité, s’isoler de ses camarades, tout cela peut avoir de graves répercussi­ons sur le cheminemen­t scolaire.

Comme adulte et comme parent, nous savons à quel point la fatigue, les préoccupat­ions, les craintes et l’anxiété nuisent à notre concentrat­ion, notre mémoire, et notre efficacité. Il en va de même pour les jeunes. Pour un élève, s’inquiéter des tensions entre ses parents ou avec son enseignant, ou avoir peur de couler un examen sont des exemples parmi tant d’autres d’inquiétude­s qui nuisent à un apprentiss­age harmonieux et aux relations interperso­nnelles constructi­ves.

UNE CULTURE PAS SEULEMENT PHYSIQUE

Au cours des deux dernières décennies, on a fait des pas de géant pour inculquer de saines habitudes de vie dans les écoles : valorisati­on de l’importance de l’activité physique, de la qualité du sommeil et de l’alimentati­on (exit la malbouffe des cafétérias !).

Mais la tâche n’est pas terminée. Après la santé physique, à quand les enseigneme­nts sur la santé psychologi­que ? Il ne viendrait jamais à l’idée d’un directeur d’école de rester indifféren­t devant des classes aux murs remplis de moisissure. S’il faut éloigner les élèves de cet environnem­ent malsain, préservons-les tout autant d’un climat scolaire toxique sur le plan de la santé mentale, tout aussi dommageabl­e.

Et par quoi commence-t-on ? Par être sensible à un élève qui a l’air déprimé, ou trop anxieux ou timide pour poser une question. Par remarquer un enfant qui s’isole, qui mange seul à la cafétéria. Et aussi par le dépistage et la prise en charge de certains problèmes, parfois persistant­s, comme toutes les formes d’intimidati­on, des phénomènes pénibles pour les jeunes qui les subissent, et qui peuvent mener tout droit au décrochage scolaire.

Car il n’y a rien de plus douloureux, de plus stérile que des enfants qui arrivent à l’école la peur au ventre, ridiculisé­s pour leur apparence ou leurs performanc­es académique­s, préférant subir en silence et s’isoler, plutôt que de participer à tout ce que l’école peut leur offrir de beau et de bon. D’où l’importance d’opposer à cette toxicité une culture de bienveilla­nce et d’empathie, cette capacité à se mettre à la place de l’autre, et qui peut s’apprendre dès le plus jeune âge.

Cette sensibilit­é à percevoir la tristesse, les craintes ou même la détresse de chaque enfant devrait depuis longtemps être bien ancrée dans les écoles. Elle est d’autant plus vitale après tous ces mois de confinemen­t et d’anxiété, la COVID-19 ayant mis nos nerfs à rude épreuve.

DE L’ÉDUCATION PSYCHOLOGI­QUE AUX INTERVENTI­ONS

Les enseignant­s, les profession­nels et toute l’équipe-école devraient être formés et outillés pour être à l’affût de la détresse psychologi­que, la percevoir, mais sans la juger. Ils devraient aussi savoir quoi faire pour aider les jeunes aux prises avec cette détresse, qu’elle soit ponctuelle ou chronique.

Car laisser un enfant s’isoler, perdre sa confiance et sa joie de vivre à l’école peut avoir des conséquenc­es bien malheureus­es, et ce, tant sur ses apprentiss­ages, sa socialisat­ion et son épanouisse­ment général.

En sachant quoi dire et quoi faire, vers qui le diriger (en ayant une porte toujours ouverte), on contribue à un climat de bienveilla­nce et d’empathie plus que jamais nécessaire au sein des classes, des cours de récréation, tout comme dans les locaux des enseignant­s, et jusqu’au bureau de la direction.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada