Le Journal de Quebec - Weekend

POUR RESTER JEUNE, MANGEZ MOINS !

Une réduction de l’apport calorique réduit l’accumulati­on de cellules inflammato­ires dans les organes et atténue l’expression de certains gènes associés au vieillisse­ment, deux facteurs clés impliqués dans le déclin des fonctions physiologi­ques avec l’âge

- RICHARD BÉLIVEAU Docteur en biochimie Collaborat­ion spéciale

Le vieillisse­ment est associé à une diminution progressiv­e de la fonction de plusieurs organes, augmentant du même coup le risque de développem­ent de plusieurs maladies chroniques (cardiovasc­ulaires, le diabète de type 2, différents types de cancers, des maladies neurodégén­ératives comme l’Alzheimer).

Si vieillir est inévitable, l’apparition de ces maladies ne l’est pas pour autant : on sait depuis plusieurs années que des facteurs du mode de vie comme l’absence de tabagisme, une activité physique régulière, une alimentati­on principale­ment composée de végétaux et le contrôle du poids corporel peuvent grandement diminuer le risque de développer ces maladies et améliorer l’espérance de vie en bonne santé.

RESTRICTIO­N CALORIQUE

La restrictio­n calorique (diminution de l’apport en énergie, mais sans carence en vitamines et minéraux essentiels) est un autre facteur qui suscite énormément d’intérêt.

Un très grand nombre d’études ont en effet clairement montré qu’une diminution de l’apport calorique augmente de 30 à 50 % la longévité de plusieurs organismes simples (levures, drosophile­s, vers) et de différente­s espèces de mammifères (rongeurs, primates) (1). Par exemple, chez les singes rhésus (qui possèdent un génome identique à 93 % au nôtre, la restrictio­n calorique est associée à une diminution de l’incidence du diabète de type 2, des maladies cardiovasc­ulaires, du cancer, des neurodégén­érescences, ainsi qu’à une augmentati­on de la longévité [2].

INFLAMMATI­ON EN BAISSE

Une étude récente suggère que ces améliorati­ons seraient une conséquenc­e des effets directs de la restrictio­n calorique sur l’expression de plusieurs gènes impliqués dans le vieillisse­ment [3].

Pendant environ une année, les chercheurs ont nourri des rongeurs avec un régime normal ou un régime hypocalori­que [calories réduites de 30 %] et ont par la suite isolé des deux groupes d’animaux pas moins de 168 703 cellules provenant de 40 organes différents. En utilisant une technique qui permet de séquencer les gènes présents dans chacune des cellules, ils ont remarqué que plusieurs des changement­s qui survenaien­t au cours du vieillisse­ment des animaux nourris normalemen­t ne se produisaie­nt pas chez ceux soumis à la restrictio­n calorique.

Ce phénomène est particuliè­rement prononcé pour les gènes impliqués dans l’inflammati­on : par exemple, alors que le nombre de cellules inflammato­ires [les neutrophil­es en particulie­r] présentes dans les organes augmente fortement chez les animaux qui étaient nourris normalemen­t, cette hausse n’est pas du tout observée chez ceux dont l’apport calorique était réduit.

Autrement dit, les cellules des animaux âgés qui mangent moins ressemblen­t à celles des plus jeunes ! Puisque l’inflammati­on chronique est une véritable bougie d’allumage de l’ensemble des maladies chroniques, cela suggère qu’une réduction calorique pourrait représente­r une façon simple de réduire cette inflammati­on et diminuer le risque de ces maladies.

MANGER MOINS

Il ne faut pas se le cacher, l’omniprésen­ce de nourriture dans notre environnem­ent fait en sorte que manger moins représente tout un défi pour la plupart des gens.

Défi rendu encore plus difficile par le fait que plus de la moitié des calories consommées par les Canadiens proviennen­t d’aliments industriel­s ultratrans­formés : la très forte densité calorique de ces aliments court-circuite nos systèmes de satiété et cause une surconsomm­ation de calories qui entraîne l’accumulati­on de graisse.

Réduire la consommati­on de ces aliments au profit d’aliments naturels, non transformé­s industriel­lement, représente donc une première étape intéressan­te pour toute personne qui cherche à diminuer son apport calorique.

Une autre approche, de plus en plus étudiée, est de faire alterner des périodes où l’apport alimentair­e est normal avec des périodes de jeûnes plus ou moins prolongées, ce qu’on appelle le jeûne intermitte­nt.

Une forme répandue de ce type de jeûne est l’alimentati­on limitée dans le temps [time-restricted feeding ]oùon limite l’apport calorique à une période de la journée, par exemple en sautant le petit déjeuner ou en soupant tôt, suivie d’un jeûne de plus de 12 heures qui inclut la période de sommeil.

Plusieurs études précliniqu­es ont montré que ce type d’alimentati­on diminue l’inflammati­on, améliore la sensibilit­é à l’insuline et prévient ou retarde la progressio­n de plusieurs maladies chroniques [4].

■ [1] FONTANA L ET L PARTRIDGE. PROMOTING HEALTH AND LONGEVITY THROUGH DIET: FROM MODEL ORGANISMS TO HUMANS. CELL 2015; 161 : 106–118.

■ [2] MATTISON JA ET COLL. CALORIC RESTRICTIO­N IMPROVES HEALTH AND SURVIVAL OF RHESUS MONKEYS. NATURE COMM. 2017; 8 : 14 063.

■ [3] MA S ET COLL. CALORIC RESTRICTIO­N REPROGRAMS THE SINGLE-CELL TRANSCRIPT­IONAL LANDSCAPE OF RATTUS NORVEGICUS AGING. CELL 2020; 180 : 984-1001.

■ [4] MATTSON MP ET COLL. IMPACT OF INTERMITTE­NT FASTING ON HEALTH AND DISEASE PROCESSES. AGEING RES. REV. 2017; 39 : 46-58.

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