Le Journal de Quebec - Weekend

LA POÉSIE MÉDIÉVALE INSPIRE FRANCIS CABREL

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Environ tous les cinq ans, le discret Francis Cabrel sort de son refuge d’Astaffort avec un bouquet de nouvelles pièces, attendues patiemment par son public. Ces jours-ci, il embarque dans le manège promotionn­el d’À l’aube revenant, un album de treize chansons « peaufinées à l’extrême », dont la grande partie est inspirée par la poésie romantique des troubadour­s du Moyen-Âge. Le Journal a recueilli ses confidence­s.

On ne peut en vouloir à Francis Cabrel de se terrer dans l’ombre à Astaffort durant une période aussi longue pour bricoler ses chansons, tant ce qui en ressort est magnifique­ment ficelé, poétique, recherché. Avec de nouvelles proses empreintes du romantisme qu’on lui connaît, couchées sur des rythmes blues-folk, À l’aube revenant fait foi d’une plume qui n’est pas un brin usée par le temps. Le chanteur, qui célébrera ses 67 ans dans quelques semaines, a donné un nouveau souffle à ses écrits en puisant son inspiratio­n… dans le Moyen-Âge. Une rencontre avec Claude Sicre, un chanteur occitan, a été le déclic pour la création de ce 14e album studio, qui fait suite à In Extremis, lancé en 2015. « Claude Sicre est très célèbre en France, relate-t-il à l’autre bout du fil. Un jour, il est venu enregistre­r au studio, chez moi, et en guise de cadeau de remercieme­nt, il m’a offert des livres sur la poésie des troubadour­s, une poésie que je ne connaissai­s pas. Il m’a dit : il faut que tu fasses un album complet sur les troubadour­s. Ces gens-là sont les rock-stars du Moyen-Âge. »

Après 40 ans de carrière, le défi était « grisant », dit celui qui a même baptisé une chanson Rockstars du Moyen-Âge, où il chante en langue occitane. Plusieurs chansons découlent de ses lectures inspirante­s, dont Fort Alamour, Les bougies fondues et Ôde à l’amour courtois.

Qu’a-t-il découvert de la poésie très romantique des troubadour­s ? « C’était de très grands érudits. Ça m’a surtout révélé qu’ils avaient déjà tout dit, bien avant nous. C’est quand même un peu décevant quand on pense qu’on écrit des chansons d’amour, qu’on a inventé quelque chose, et finalement, il y a huit siècles, ils ont dit mieux, sur les mêmes thèmes », dit-il en riant.

HOMMAGE À SON PÈRE

Cabrel aborde aussi dans l’album des thèmes modernes comme l’environnem­ent (Jusqu’aux pôles), et très intimes, comme sa relation avec son père, à qui il consacre une touchante chanson pour la première fois (Te ressembler).

Alors que sa mère et ses filles ont chacune eu une chanson écrite pour elles, pourquoi Francis Cabrel avait-il repoussé jusqu’ici l’idée de parler de son père ? « Parce que je savais que j’allais tomber dans l’intime et que c’est quelque chose que je n’aime pas trop. Mais là, je ne voyais pas d’autres moyens pour exprimer la vie qu’il avait eue et la mienne en parallèle. »

Dans Te ressembler, il oppose sa vie d’artiste au quotidien de son père ouvrier, Remiso, un fils d’immigrés italiens qui travaillai­t dans une biscuiteri­e d’Astaffort, décédé à 56 ans. Francis Cabrel confie qu’il entretenai­t avec lui une relation « assez silencieus­e ».

« On s’est pas dit “Je t’aime”, On s’est pas serrés dans les bras », chante-t-il.

« Ce n’était pas de grandes conversati­ons, commente-t-il à l’autre bout du fil. Il travaillai­t tellement, il était toujours en train de chercher de quoi remplir la cheminée et les placards pour qu’on puisse manger. Je ne pense pas avoir vu un seul jour de repos de sa vie. »

Même s’il est parti à un jeune âge, il a connu le début de carrière fulgurant de son fils. Mais pour un ouvrier, écrire des chansons n’est pas vraiment un métier, confie l’auteur de Je l’aime à mourir, L’encre de tes yeux et Petite Marie. « J’imagine qu’il trouvait ça un peu farfelu. Il a dû penser que je me débrouilla­is quand même pas mal », laisse-t-il tomber.

À ces confidence­s intimes et ces inspiratio­ns occitanes vient se greffer un autre fort joli morceau : une sublime reprise de Sweet Baby James, de James Taylor, pour laquelle il a mis 16 ans à trouver les bons mots pour l’adapter en français, confie-t-il.

DE RETOUR SUR SCÈNE

Attristé par le sort actuel de la culture, pas question pour Cabrel de reporter la sortie de l’album en raison de la pandémie. En sortant une vidéo par jour durant 55 jours pendant le confinemen­t, il a pu constater à quel point le public avait besoin de ce contact. « Et moi aussi », d’ajouter l’artiste.

Les restrictio­ns sanitaires étant différente­s en France, Francis Cabrel a mis en branle une tournée (en respectant la distanciat­ion) qui doit commencer en novembre aux Folies Bergère. « Si la situation ne s’aggrave pas, on va pouvoir le faire ».

« C’est nécessaire pour moi de remonter sur scène, mais ce l’est aussi pour toute l’équipe qui m’entoure. Tous ces gens-là sont tristes, sont arrêtés, sont sans ressources. Après la pandémie, il y aura peut-être tellement de gens qui auront souffert qu’ils auront changé de métier. Ce ne sont pas de bonnes nouvelles. »

À l’aube revenant est maintenant en vente. Plusieurs spectacles de Francis Cabrel sont prévus au Québec pour 2021.

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SANDRA GODIN Le Journal de Québec sandra.godin @quebecorme­dia.com

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