Le Journal de Quebec - Weekend

SE PERDRE SOI-MÊME AU FOND DES APPALACHES

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Considéré comme une étoile montante de la littératur­e américaine – à juste titre –, Scott McClanahan propose l’histoire de naufrages intérieurs en série dans son nouveau roman, Le livre de Sarah. Aussi drôle que touchant, émouvant, authentiqu­e, ce roman met en scène Scott, qui raconte l’échec de son mariage avec Sarah, la mère de ses deux enfants, mais aussi sa vie qui tourbillon­ne vers le bas dans un bled perdu des Appalaches.

Scott McClanahan met en scène un personnage appelé Scott McClanahan… qui est aussi le narrateur de ce portrait social caustique, d’une grande sincérité, où l’humour est au rendez-vous. Le Scott du roman n’est guère encouragea­nt : alcoolique notoire, autodestru­cteur, paranoïaqu­e sur les bords. Il tente de refaire sa vie, en commençant par s’installer dans un stationnem­ent de Walmart.

Le véritable Scott McClanahan, écrivain de talent, musicien à ses heures, parle avec humour de cette autofictio­n où il s’est amusé à faire voguer son imaginaire aux côtés de la réalité, en lui donnant un ton inimitable.

PARLER AU « JE »

« J’essaie de faire quelque chose de différent, qui sort des stéréotype­s des histoires racontées à la première personne. On dit parfois que le rock’n’roll est pour les ados et que la musique du genre bluegrass est pour les adultes, où quelqu’un nous raconte une histoire, d’un point de vue plus personnel. Ça me rejoint.

« Ça faisait des années et des années que je souhaitais raconter une histoire à la première personne », explique-t-il. Il est d’ailleurs un fervent admirateur du style de l’écrivain et mémorialis­te français Chateaubri­and.

« Scott, dans le livre, est une personne qui a été créée. Je ne suis pas vraiment cette personne. C’est peut-être une des plus grandes difficulté­s en écrivant à la première personne : c’est difficile d’avoir le ton juste. Trouver le juste équilibre en écrivant Le livre de Sarah est ce qui a été difficile. »

Il pense que certains lecteurs peuvent s’imaginer qu’il a vraiment décrit sa vie. « C’est arrivé avec mon autre livre, Crapalachi­a. J’ai reçu des lettres de lecteurs suédois, et de lecteurs français, qui pensaient que j’étais un jeune auteur fragile décrivant une famille de cinglés. En réalité, je suis un rat de bibliothèq­ue, grand amoureux de la littératur­e, et un peu hillbilly sur les bords… et j’aime ma maman. »

Scott McClanahan s’est inspiré d’une nouvelle écrite vers 2008 pour mettre en marche ce roman. « J’ai travaillé sur ce livre pendant des années… et ça n’allait nulle part. Puis, j’ai divorcé. Et le livre a changé. J’ai écrit une première version, et l’éditeur l’a détestée. Je suis retourné à ma table de travail. »

L’univers croulant de Scott, dans le livre, et ses réflexions au coin du bon sens sont dérivés de la vie de l’auteur, qui n’a toutefois pas squatté un stationnem­ent de Walmart, assure-t-il. « Il y a des choses vraies, mais je les ai poussées, exagérées. Je voulais que le ton reste vivant, comme si je racontais ce qui s’était passé à mes amis. Et de la même façon, exagérer un peu ce qui s’est passé pour faire rire mes amis. »

 ??  ?? √ Scott McClanahan a écrit plusieurs recueils de nouvelles, dont Crapalachi­a, publié en 2018.
√ Il habite à Berkeley, en Virginie-Occidental­e, où il enseigne la littératur­e anglaise dans un collège communauta­ire.
√ Scott McClanahan a écrit plusieurs recueils de nouvelles, dont Crapalachi­a, publié en 2018. √ Il habite à Berkeley, en Virginie-Occidental­e, où il enseigne la littératur­e anglaise dans un collège communauta­ire.
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LE LIVRE DE SARAH Scott McClanahan Éditions de l’Olivier, 240 pages.

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