Le Journal de Quebec - Weekend
Patrick Senécal revisite son oeuvre en BD
Vingt ans aprés la publication du roman Aliss, une relecture trés noire du chef-d'oeuvre de Lewis Carroll signée Patrick Senécal, voici la bande dessinée pour adultes Aliss. Cette adaptation spec-taculaire et explicite du best-seller est signée Patrick Senécal et Jeik Dion, un bédé- iste au talent exceptionnel. Ce duo d'enfer en met plein la vue avec cette histoire de sexe, de drogue, de jeux de pouvoir, d'illusions et de désillusions.
Alice, belle et audacieuse héroïne de 18 ans, quitte le cégep et le cocon familial en banlieue pour s’installer à Montréal. Pour elle, c’est la ville de tous les possibles et elle a l’intention d’en profiter. Cependant, le quartier dans lequel elle s’installe est bizarre et elle est entourée d’individus louches et d’excentriques. Prête à tout, elle se lance quand même à la découverte du plaisir, de la drogue, du sexe, tout en lisant la prose de Nietzsche. Mais sera-t-elle vraiment prête à tout ?
UNIVERS NON CENSURÉ
Patrick Senécal, le maître québécois de l’horreur, explore toutes les failles et les côtés sombres de l’âme humaine dans Aliss ,oùle « pays des merveilles » apparaît en version XXX, sur 272 pages. Jeik Dion, artiste passionné aussi par l’horreur et le fantastique, a tout saisi, multipliant par son trait de crayon aiguisé les qualités du roman. Le résultat est sensationnel : un univers foisonnant, inquiétant, délirant, charnel, non censuré et très noir.
LES 20 ANS D’ALISS
En entrevue, Patrick Senécal ne tarit pas d’éloges à l’endroit de Jeik Dion, qui a travaillé pendant plus de deux ans, à temps plein, sur ce projet sociofinancé. « On voulait que le livre sorte cet automne, pour souligner les 20 ans d’Aliss .»
Jeik lui a d’abord envoyé les esquisses des personnages, saisissant très vite les personnages d’Alice et de Charles. Il a très bien rendu le personnage dégoûtant de Verrue.
« Le personnage qu’il a le plus travaillé, c’est la Reine rouge. Dans mon roman, ce n’est pas une fille qui est si belle que ça, selon les canons de la beauté traditionnelle, mais il fallait qu’elle n’ait pas de classe et qu’une grande charge sexuelle se dégage d’elle. »
UNIVERS DÉSTABILISANT
Patrick Senécal se demandait comment il allait se retrouver dans le monde d’Aliss. « Jeik a réussi beaucoup par la mise en page, qui est éclatée et déstabilisante, comme le monde d’Aliss est. Il me disait : il faut qu’on sente que ce monde est un peu tout croche et “weird”. En regardant les cases et les bulles, il faut qu’on sente cet état. Je trouve qu’il a parfaitement réussi et ça marche : on est dans un monde à la fois malsain et attirant. »
L’écrivain a trouvé « formidable » de ne pas avoir de limites, contrairement au cinéma. « On peut faire ce qu’on veut. Et d’ailleurs, c’était un piège, au départ. Jeik a eu l’intelligence de le voir venir et me disait que le risque, c’était de mettre tellement de sexe et de violence que ça devienne complaisant. Il ne voulait pas tomber là-dedans. Les scènes de sexe sont graduelles et la sexualité atteint son apogée dans la partouze du Palais. »
L’auteur précise que Jeik et lui voulaient faire un livre « trash », mais le faire intelligemment. « Je ne voulais pas tomber dans le piège des excès à tour de bras. »
LA PANDÉMIE
Par ailleurs, Patrick Senécal a bien traversé la période de confinement et ne s’inquiète pas trop pour l’avenir du monde. « C’est peut-être mon cynisme habituel… Moi, je trouve de toute façon que ça va mal tout le temps, dans le monde. La pandémie, c’est comme un signe de plus. Et ça va passer, tandis que la connerie humaine, elle, ne passera pas. »