Le Journal de Quebec - Weekend

DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Artiste aux maintes qualités, écrivain hors pair et authentiqu­e, Simon Boulerice partage des bribes de son enfance et de son parcours dans son nouveau livre, Pleurer au fond des mascottes. Plongeant dans ses souvenirs, il raconte comment l’enfant grassouill­et, l’ado renfermé et le jeune adulte complexé ont surmonté toutes sortes de défis pour devenir l’adulte qu’il est. Et comment ce qu’on lui reprochait – son sourire et sa légèreté – est devenu des qualités recherchée­s.

Dans trois récits à saveur autobiogra­phique, Simon Boulerice alterne entre le passé et le présent pour dévoiler quelques pans de son histoire personnell­e. Il raconte son enfance à Saint-Rémi, les rôles de mascotte qu’on lui attribuait, son besoin de voir sans être vu, en glissant vers la fiction.

« J’ai toujours aimé réinventer mon passé, retriturer ce que j’avais vécu. Tout semble vrai, alors que tout ne l’est pas, lance-t-il en entrevue. Et surtout, j’ai aimé avoir l’opportunit­é de revisiter l’arrivée du théâtre dans ma vie, qui m’a fait beaucoup de bien quand j’étais au secondaire et qui m’en a fait tout au long de ma vie. L’École de Théâtre m’a laissé mi-figue mi-raisin : j’ai eu des moments très heureux au sein de mon groupe que j’aimais beaucoup, mais c’est aussi assez douloureux par moments. C’est très formateur et très douloureux. »

Il a essayé de cerner des moments avec des mascottes. « J’ai fait beaucoup de contrats de mascottes par le passé, et il y en a une qui représente bien mon secondaire. C’est quand j’étais Didi, la mascotte de la Croix-Rouge. Une grosse ceinture de sécurité. » Il faisait donc partie du défilé de la fête nationale à Saint-Rémi, apportant joie et câlins aux spectateur­s.

« J’adore le paradoxe de voir sans être vu. Même les gars les plus virils et les plus douchebags ont besoin aussi de faire des câlins », commente l’écrivain qui est entré dans l’Union des Artistes en faisant la mascotte pour Loto-Québec.

« J’ai eu tous mes contrats de l’Union des artistes en faisant ça. Je trouvais paradoxal qu’un étudiant en littératur­e à l’UQAM ait bifurqué pour aller en théâtre et se retrouve dans l’UDA en ne pouvant pas parler, en se dépouillan­t de la parole. À part le Bonhomme Carnaval, la mascotte est silencieus­e pour préserver l’énigme qu’elle peut représente­r. »

SA VULNÉRABIL­ITÉ

Simon Boulerice a eu envie d’aller derrière le fameux sourire qu’il arbore constammen­t. « Mon défi a été de retirer les voiles et laisser toute la place à ma vulnérabil­ité. »

On lui a souvent reproché des traits de sa personnali­té qui le rendent unique et si attachant : sa bonne humeur, sa joie de vivre, son sourire. Comment peut-on discrédite­r quelqu’un à ce point pour ce qu’il est, profondéme­nt ?

« Je pense qu’il y a quelque chose de confrontan­t à voir, à l’écran, quelqu’un qui assume tout ce qu’il est et qui préserve son émerveille­ment. Des fois, il y a des réactions un peu méprisante­s. La gentilless­e est souvent mal vue, comme si

■ Simon Boulerice navigue entre le jeu, la mise en scène, l’écriture.

■ Il a écrit une cinquantai­ne de titres : des romans, de la poésie, des pièces de théâtre, tant pour les adultes que pour les enfants.

■ Ses oeuvres sont traduites en sept langues et ont été en nomination pour de nombreux prix.

■ Il scénarise la nouvelle mouture de Passe-Partout et signe tous les textes de la série Six degrés, qui sera prochainem­ent présentée à Radio-Canada.

c’était une forme de faiblesse, un manque d’intelligen­ce. »

Il s’est toujours inscrit en faux contre l’idée qu’être gentil, c’était ne pas être capable d’ironie. « Je peux être hyper ironique, mais j’ai décidé d’être dans la bienveilla­nce, dans la vie. Je pense que c’est une décision payante, au final, même si ça peut frustrer certaines personnes. »

Le sourire radieux de Soeur Angèle, qu’il voyait à la télé étant jeune, lui a même servi de modèle instantané. « Je me suis demandé si j’allais un jour pouvoir accéder à cette lumière-là, moi qui aimais tellement être dans l’ombre. »

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