Le Journal de Quebec - Weekend
Mouffe comme on ne l’a ajmaais vue
Les paroles d’Ordinaire, c’est elle. Dans les années 1960, Mouffe était celle qui aidait Robert Charlebois à mettre de l’ordre dans son génie créateur éparpillé. Depuis, elle a été directrice artistique et metteuse en scène d’une foule de spectacles et événements télévisuels qui ont marqué notre histoire. À 75 ans, Mouffe publie sa biographie pertinemment intitulée Au coeur du showbiz.
Mouffe a toujours été discrète. Elle a été dans les coulisses de la création, mais jamais n’en a-t-elle pris ombrage. « Je n’ai jamais voulu être à l’avant-plan. J’étais trop introvertie et timide. Je préférais faire réaliser mes idées par d’autres. »
Le rôle de metteuse en scène était taillé sur mesure pour elle, même si, en 1967, elle était aux côtés de Robert Charlebois, Yvon Deschamps et Louise Forestier pour présenter L’Osstidcho. Pour une artiste qui voulait faire profil bas, ça commençait mal…
De16à28ans,elleaété l’amoureuse de Charlebois. Ah, les années 1960 ! L’amour libre, le psychédélisme, les partys 24 heures par jour toute l’année durant... Et vlan ! Mouffe brise un mythe tenace. « J’étais jeune, intègre et j’étais en couple avec Robert. Je ne couchais pas avec tout le monde. On ne fumait pas du matin au soir, seulement à l’occasion, dans des partys. Sinon, je ne serais pas ici pour en témoigner, dit-elle en rigolant. Je ne dis pas qu’il n’y avait pas d’excès, mais ça ne s’inscrivait pas dans notre quotidien. »
MUSE CHARLEBOIS
Elle avait du génie pour mettre de l’ordre dans les idées, la créativité et les états d’âme exacerbés de Charlebois, la jeune femme ! Avec la collaboration de son ami Marcel Sabourin, le couple avait monté le spectacle
La fin tragique du Suparchipelargo. Une catastrophe qui avait très sérieusement ébranlé ses créateurs.
De cet épisode sombre, Mouffe avait tiré, en 1970, le meilleur de son chum. « Robert était angoissé et il ne savait plus trop s’il avait envie de continuer à chanter. Un soir, sur une feuille, j’ai reflété son état d’esprit. Le lendemain, quand il a vu ce que j’avais écrit, il s’est mis au piano pour faire la musique. »
C’est ainsi qu’une pierre essentielle de notre chanson a été taillée. Ordinaire, que ça s’appelle. Mouffe ajoute qu’elle aimait beaucoup le Garou originel pour le sentir aussi bien. Et cette connaissance de l’autre, elle l’a toujours recherchée par la suite dans son approche de la mise en scène.
Ses réalisations sont innombrables.
Le spectacle historique des femmes sur le mont Royal en 1975, c’est elle. Magie rose de Diane Dufresne au Stade olympique en 1984 aussi. De Gilles Vigneault à Michèle Richard, en passant par Michel Rivard,
Pierre Lalonde et Luc De Larochellière, elle a travaillé avec tout ce qui chante au Québec.
DEVOIR DE MÉMOIRE
Ironiquement, depuis un demi-siècle, ce dont Mouffe est la plus fière est un spectacle que personne n’aura jamais vu. Un rendez-vous raté.
« Au milieu des années 1970, j’avais travaillé pendant des mois sur un gros show avec Charlebois, Claude Dubois, Diane Dufresne, Nanette et Michel Pagliaro. Ça devait se dérouler dans le Vieux-Port, à l’extérieur. Mais le premier soir, il pleuvait, et on a annulé. On l’a reporté au lendemain, mais c’était le déluge. Seuls ceux qui ont assisté aux répétitions ont pu le voir... »
Un show avec certains de nos plus grands artistes que personne n’a vu...
Et que dire de L’Osstidcho, dont il ne subsiste pratiquement aucun document visuel ou sonore ! Ce sont deux des raisons pour lesquelles la discrète Claudine Monfette, alias Mouffe, a écrit Au coeur du showbiz, en collaboration avec Carmel Dumas.
« Gilles Vigneault m’a convaincue : lorsqu’on a vécu des choses intéressantes, qu’on a rencontré des gens extraordinaires et qu’on a appris d’eux, il faut transmettre ça ; on ne doit pas partir égoïstement avec tous ses souvenirs. C’est un devoir de mémoire. » Carmel Dumas a écrit Au coeur
du showbiz avec la complicité de Mouffe, qui partage d’innombrables souvenirs.