Le Journal de Quebec - Weekend

Le revers de la pandémie

- Psychologu­e et présidente de l’Ordre des psychologu­es du Québec Dre CHRISTINE GROU

Des données alarmantes nous le confirment : la détresse psychologi­que est de plus en plus répandue au sein de la population québécoise et n’épargne aucun groupe d’âge. La pandémie, ainsi que toutes les mesures prises depuis bientôt huit mois pour la combattre, semble malheureus­ement avoir comme effet collatéral une autre vague : celle de la détresse psychologi­que.

La crise pandémique qui a bouleversé nos vies depuis mars, notamment avec le confinemen­t et les nombreuses pertes (deuils, hospitalis­ations, pertes d’emploi, de revenus, ruptures amoureuses, etc.) a entraîné dans son sillage de nombreux problèmes de santé mentale : dépression, anxiété, consommati­on excessive d’alcool ou de drogues, troubles de concentrat­ion, pour n’en nommer que quelques-uns…

Aucune population ne semble à l’abri des contrecoup­s psychologi­ques liés à la pandémie. Ces impacts commencent à être bien documentés au Québec.

Par exemple, selon une enquête de l’Université de Sherbrooke, un adulte sur quatre vivant à Montréal rapportait avoir eu des symptômes d’anxiété ou de dépression. Toujours selon cette même étude, les jeunes adultes, les anglophone­s et le personnel de la santé étaient parmi les plus affectés par cette crise.

Autre donnée particuliè­rement inquiétant­e, selon des données publiées par la santé publique, 46 % des Montréalai­s âgés de 18 à 24 ans ont affirmé ressentir des symptômes de trouble d’anxiété généralisé­e ou de dépression majeure.

Dans un sondage mené récemment par l’Ordre des psychologu­es, 86 % des psychologu­es sondés rapportaie­nt avoir constaté une hausse de la détresse psychologi­que et une exacerbati­on des symptômes chez leurs clients. Ce sondage indique aussi que ce sont l’anxiété (86 %) et les symptômes dépressifs (70 %) qui frappent le plus la clientèle québécoise, en plus de la hausse des demandes urgentes rapportée par 67 % des psychologu­es ayant répondu à ce sondage.

Ce qui est inquiétant, c’est que toutes ces observatio­ns pourraient représente­r uniquement la pointe de l’iceberg, quand on pense à tous ceux et celles qui n’ont pas accès à un psychologu­e ou un autre profession­nel de la santé pour différente­s raisons, qui n’en ont pas les moyens ou encore qui ont perdu leur couverture d’assurance avec la perte d’emploi. Leur détresse pourrait s’aggraver avec le temps – et dans certains cas, devenir chronique – si elle n’est pas prise en charge assez rapidement.

Ces problèmes de santé mentale ont un coût indéniable pour la société. Pensons à divers dommages collatérau­x comme le décrochage scolaire, la baisse de satisfacti­on et même l’absentéism­e au travail, les rôles parentaux, etc. Le bon fonctionne­ment de notre société repose aussi sur la santé psychique de chaque individu qui la compose.

COMMENT PRENDRE SOIN DE SOI ?

Depuis mars, nos capacités d’adaptation ont été démesuréme­nt sollicitée­s. Nos réserves affectives s’épuisent et nous sommes toujours affligés par l’incertitud­e et l’absence de contrôle sur l’évolution de la situation.

Dans ce contexte, il est important de contrôler ce qu’on peut contrôler. Nous n’avons aucun contrôle sur, par exemple, la trajectoir­e du coronaviru­s ou le calendrier d’un vaccin. Mais la plupart d’entre nous ont un certain contrôle sur la façon dont ils organisent leur vie quotidienn­e, à maintenir des liens avec les gens qu’ils aiment et à prendre le temps de se détendre.

Il est bon d’essayer de vivre une semaine à la fois, sans se torturer avec les scénarios les plus noirs des prochains mois.

Il est souhaitabl­e de faire une distinctio­n entre son horaire des jours de la semaine et des week-ends. La plupart d’entre nous ont normalemen­t un temps tampon entre la fin de la journée de travail et le début de leur temps d’arrêt – comme un trajet en métro vers la maison ou un cours de conditionn­ement physique. Lorsque vous travaillez à domicile, reproduise­z cette transition, que ce soit en faisant de l’exercice, de la méditation, en écoutant de la musique ou en faisant les courses pour le dîner.

Cette crise exceptionn­elle exige des adaptation­s exceptionn­elles, il ne faut pas sous-estimer l’énergie que ça nous demande à tous au quotidien.

Essayons donc d’évacuer les sentiments de culpabilit­é, d’adopter des objectifs plus réalistes et surtout de nous empêcher de viser la perfection, que ce soit le rendement au travail, le couple idéal ou la famille parfaite.

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