Le Journal de Quebec - Weekend
François Ozon et les amours d’été
Ayant lui-même vécu son adolescence pendant les années 1980, le cinéaste français François Ozon a puisé dans ses souvenirs de jeunesse pour écrire son nouveau film, Été 85, une adaptation libre du roman La danse du coucou, qui relate une histoire d’amour passionnelle et tragique entre deux jeunes hommes durant l’été 1985.
Il y a de ces livres qui nous chavirent et nous marquent à tout jamais. La danse du coucou (Dance On My Grave), roman culte de l’auteur anglais Aidan Chambers, a eu cet effet sur François Ozon quand ce dernier l’a lu, au milieu des années 1980.
« J’avais 17 ans quand j’ai découvert ce roman, et je me souviens d’avoir été très ému par la façon dont il s’adressait à la jeunesse », a confié le réalisateur de Huit Femmes et Potiche lors d’une entrevue accordée par vidéoconférence plus tôt cette semaine.
« Dans les années 1980, toutes les représentations de l’homosexualité étaient très sombres et douloureuses. Or, dans ce roman, il y avait une vraie douceur et quelque chose de solaire et d’universel. L’homosexualité n’y était jamais montrée comme un problème. Au contraire, c’était abordé comme quelque chose de très naturel. »
François Ozon a donc conservé cette histoire dans ses tiroirs pendant de nombreuses années, en gardant toujours en tête l’idée d’en tirer un film un jour. Ce projet de longue date a finalement refait surface il y a deux ans, après que le cinéaste eut terminé le tournage de son long métrage précédent Grâce à Dieu [qui portait sur le scandale des prêtres pédophiles].
« Après avoir terminé Grâce à Dieu, qui était un film assez lourd et compliqué à faire, j’ai eu envie de revenir à quelque chose de plus léger », explique le réalisateur qui célébrera son 53e anniversaire de naissance demain.
LA COMPLEXITÉ DE L’AMOUR
Campé dans une petite ville de bord de mer sur la côte normande, Été 85 met en scène la rencontre entre Alex, 16 ans, et David, 18 ans. Alex tombe éperdument amoureux de David, mais ce dernier, plus mature, aborde la relation avec plus de détachement. Une tragédie mettra fin à leur idylle de façon abrupte.
« Leur histoire illustre la confrontation de deux visions de l’amour différentes, souligne Ozon. Alex rêve d’un prince charmant. Il pense l’avoir rencontré en David, mais il se rend finalement compte que les princes charmants, ça n’existe pas. Cela arrive souvent chez les adolescents qui vivent leur première histoire d’amour. Ils s’aperçoivent que la réalité ne ressemble pas aux histoires qu’ils ont lues dans les livres. C’est cette complexité du sentiment amoureux qui m’intéressait et que je voulais explorer. »
Avec un brin de nostalgie, François Ozon a intégré plusieurs de ses souvenirs de jeunesse dans le film. Entre une chanson de The Cure et des références à des films de l’époque, comme La Boum, les références à la culture des années 1980 sont aussi nombreuses.
« Le film est vraiment un mélange de l’histoire du livre et ma propre adolescence, résume-t-il. J’y ai mis mes propres souvenirs, et des musiques que j’écoutais à l’époque. Le film est un mix de tout cela. Mais en même temps, je suis resté assez fidèle au livre parce que je trouve qu’il a une construction assez intéressante. Le récit est construit comme un puzzle : on découvre au fur et à mesure les différentes pièces de l’histoire et, à la fin, on a une vision d’ensemble de ce qui s’est passé. »
Été 85 prend l’affiche le 20 novembre sur la plateforme en ligne des Cinémas Beaubien, du Parc et du Musée. Le film est aussi présenté en ligne cette fin de semaine au Festival Cinemania.