Le Journal de Quebec - Weekend
PARCOURS DE COMBATTANTE
Inspirée en partie par sa propre histoire, l’écrivaine Louise Desjardins rappelle le Québec des années 1960-1970 dans son 25e livre, La fille de la famille. Elle évoque des éléments historiques, mais raconte surtout le destin d’une femme qui répond à l’appel de la liberté – une nouveauté – et qui décide de faire sa place dans un univers d’hommes. Portrait d’une société en transformation.
Son héroïne est la seule fille au milieu de quatre frères. Ils ne lui cèdent rien et vont même jusqu’à changer de trottoir plutôt que d’être vus en sa compagnie. Persévérante, elle poursuit ses études et se trouve un travail comme enseignante en littérature dans un collège.
Avec stupéfaction, elle apprend qu’il lui faut une permission de l’évêque pour enseigner Madame Bovary. Et elle apprend aussi que le concubinage, eh bien, c’est quelque chose de grave !
Louise Desjardins montre à quel point on a fait du chemin, au Québec, au cours des dernières décennies, mais note qu’il ne s’agit pas d’une autobiographie. « Il y a des éléments d’autobiographie, mais c’est très arrangé. C’est une autofiction, mais je ne voulais pas que ce soit autobiographique », explique-telle, en entrevue.
« Les conventions collectives ou le fait que j’ai été obligée de me marier pour pouvoir garder ma job, ce n’est pas inventé. J’ai été très rigoureuse là-dessus. J’ai fait mes recherches aussi. Mais pour ce qui est des souvenirs d’enfance et des souvenirs de vie courante, j’ai brodé pas mal. La mémoire, c’est quelque chose de très infidèle : on se rappelle des choses selon ce qu’on est et selon ce qu’on a vécu. Mes frères raconteraient ça d’une autre manière. »
En 1965, le frère supérieur du collège ne voulait pas qu’elle enseigne Madame Bovary.
« C’était encore à l’index. Tout était religieux, il n’y avait pas de cégeps. En plus, moi, la première fois que j’ai eu un emploi, c’était dans un séminaire de garçons. Je n’avais pas le droit de prendre l’ascenseur ni d’aller manger le midi dans la salle à manger. Ça dérangeait. »
L’héroïne du roman fait des constats. « Elle se rend compte qu’il y a beaucoup d’injustices, juste par le fait qu’elle est une fille. Et ça, ça continue, c’est toujours un peu là. […] Quand j’écrivais, je me disais : on est parties de loin ! Mais il y a encore du chemin à faire. Il y a des choses qui ne sont pas réglées encore. »
Louise Desjardins voulait que son roman soit accessible, que tout le monde puisse s’y retrouver. Elle voulait que ce soit un livre d’Histoire. « On a eu beaucoup de livres sur les hommes et la vie des hommes. C’est seulement à la fin des années 1970 et au début des années 1980 que moi, j’ai pu m’identifier à des femmes qui écrivaient et qui pouvaient m’inspirer. »