Le Journal de Quebec - Weekend

UNE LECTRICE BOULIMIQUE

L’écrivaine québécoise Brigitte Pilote lit beaucoup, allant même jusqu’à entamer plusieurs livres à la fois. En attendant de pouvoir l’entendre aujourd’hui à 13 h dans le cadre des Confidence­s d’écrivaine du Salon du livre de Montréal, elle nous parle de

- KARINE VILDER

De tous les romans que vous avez lus, quels sont vos grands favoris ?

Je me suis limitée aux titres lus lorsque j’étais très jeune, qui ont été formateurs pour moi, sur le plan personnel, de même que pour développer mon propre style. Il y a donc:

√ À la recherche du temps perdu, de Marcel Proust. J’avais 18-19 ans lorsque j’ai lu cette oeuvre magnifique, qui m’habite toujours aujourd’hui, plus de 30 ans après. J’ai lu tous les tomes, en me donnant le droit de sauter les bouts sur l’affaire Dreyfus ! Ce n’était pas du tout au programme du cégep où j’allais et un prof m’a même dit : « Hein, pourquoi tu lis ça ? » Ça m’a fait sentir presque coupable d’aimer cette littératur­e…

√ Journal d’Anaïs Nin. C’est le journal intime qu’elle a tenu dès l’enfance. Elle a mis plus de 30 ans à trouver un éditeur pour cette oeuvre volumineus­e (elle avait alors une soixantain­e d’années). J’ai lu le volume 1939-1944 au début de l’âge adulte et l’ai conservé. Il m’est d’autant plus précieux aujourd’hui qu’il s’agit de l’exemplaire que ma mère avait reçu en cadeau en 1976, où elle a indiqué sur la première page une liste des passages qui l’ont touchée. C’est une oeuvre remarquabl­e, pour quiconque s’intéresse au New York de ces années-là, à la psychanaly­se, aux relations humaines, à la quête de soi, à la création. √ Le ravissemen­t de Lol V. Stein ,deMargueri­te Duras. Jeune, j’ai voué une adoration à Marguerite Duras pour son style et ses personnage­s uniques. Ce roman est mon préféré, parmi la dizaine de romans et de pièces de théâtre d’elle que j’ai lus. Je ne veux pas décrire l’histoire, car je ne pense pas qu’on lise Duras pour l’histoire. En tout cas moi. C’est pour son style singulier qu’on la lit.

√ Les fous de Bassan, d’Anne Hébert. J’aime beaucoup l’oeuvre de la Québécoise Anne Hébert et ce roman est mon favori. J’aime sa constructi­on, les voix multiples, sa prose poétique. Je l’ai même relu récemment.

Au cours des derniers mois, quel livre n’avez-vous pas été capable de lâcher d’un bout à l’autre ?

Filles impertinen­tes, de l’écrivaine anglaise Doris Lessing (Nobel de littératur­e), publié un an après sa mort en 2013. Une bonne part du livre porte sur la jeunesse de ses parents et leur rencontre. Je trouve cela fascinant quand les écrivaines et les écrivains explorent la vie de leurs parents. C’est un livre court, que j’ai dévoré.

Est-ce qu’il y a aussi un livre qui a réussi à vous chavirer complèteme­nt ?

Une femme fuyant l’annonce, de l’Israélien David Grossman. Un très beau personnage de femme, Ora, qui redoute de se faire annoncer le décès de son fils, parti faire son service militaire. Pour conjurer le mauvais sort, elle quitte sa maison pour qu’on ne puisse plus la joindre, et part en voyage avec un ami d’enfance. C’est un superbe roman, poignant. Ce qui m’a chavirée, c’est d’apprendre qu’en cours d’écriture du livre, David Grossman s’est lui-même fait annoncer que son fils avait été tué au cours de son service militaire.

Vous pouvez nous parler de votre plus récent gros, gros coup de coeur ?

Annette, une épopée, d’Anne Weber, publié cette année. Le livre s’inspire de la vie d’Anne Beaumanoir, une résistante française, devenue psychiatre, qui est presque centenaire aujourd’hui. Elle a d’ailleurs dit qu’elle ne se reconnaiss­ait pas du tout dans ce livre ! L’autrice a utilisé la forme littéraire de l’épopée héroïque pour créer ce portrait d’une femme hors du commun, cela donne un récit très vivant. L’autrice, Anne Weber, écrit tous ses livres directemen­t dans deux langues (le français et l’allemand), ce qui est très rare. Donc le même livre, elle l’écrit deux fois !

Cette année, quel auteur ou quel roman le Salon du livre de Montréal vous a-t-il permis de découvrir ?

Le féminisme est l’une des thématique­s du Salon du livre de Montréal cette année. La table ronde « Être une jeune femme en 2020 » m’a donné envie de lire les livres des autrices qui y participen­t, notamment Là

où je me terre, de Caroline Dawson, publié aux éditions du remue-ménage.

Tous genres confondus, quel livre auriez-vous réellement aimé avoir écrit ?

N’importe lequel des livres de l’écrivaine française Marie NDiaye. Je lui voue une grande admiration. J’achète tous ses livres. J’aimerais écrire comme elle ! Celui de ses romans que je préfère : Rosie Carpe (2001). L’histoire d’une jeune femme qui perd pied après avoir mis au monde son petit garçon, seule, sans soutien. Le roman se déroule en Guadeloupe. Rosie et son fils Titi figurent parmi les personnage­s que j’ai continué de chérir, longtemps après avoir refermé le livre.

Si vous étiez libraire, quel livre conseiller­iez-vous aux gens pour retrouver le sourire ?

Le livre Apprendre à être, de Marcia Pilote, qui vient de paraître. Ma soeur Marcia a les mots qu’il faut pour nous aider à retrouver le chemin vers la joie de vivre, et son livre nous remet d’aplomb !

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