Le Journal de Quebec - Weekend

LA PETITE HISTOIRE D’UN GRAND SUCCÈS QUÉBÉCOIS

- Le Journal de Québec cedric.belanger @quebecorme­dia.com CÉDRIC BÉLANGER

Il rêvait de transposer la mythique pièce de théâtre Broue au grand écran. En vain. À la place, il a créé Les Boys, qui allait devenir la franchise la plus populaire du cinéma québécois. Au moment où ComediHa! prend le relais en devenant le propriétai­re de la marque, le producteur Richard Goudreau raconte l’histoire derrière le plus grand succès de sa carrière.

En 1997, pendant que le Canadien de Montréal traversait un creux de vague quelques années après sa dernière conquête de la coupe Stanley, peu de gens, pour ne pas dire personne, pensaient qu’une comédie à propos d’une bande de gars qui jouent au hockey dans une ligue de garage allait soulever les passions au point d’attirer plus d’un million de personnes dans les salles de cinéma.

Avant la sortie du premier film des Boys, comme c’est la coutume, une projection avait été organisée pour le compte des propriétai­res de salles afin de leur présenter le produit et sonder leur intérêt. « Je me souviens qu’ils avaient fait des gageures. Guy Gagnon [à l’époque chez Cineplex Odéon] avait misé le plus haut. Il avait dit que le film allait faire 2 millions $. Tous les autres étaient en bas de ce montant », se souvient Richard Goudreau.

Le score final : plus de 6 millions $. Du jamais-vu pour un film québécois à cette époque.

L’ICEBERG DE TITANIC

Même Titanic, un des films les plus payants de l’histoire du cinéma, n’avait pu venir à bout des Boys. À son premier week-end en salle, en décembre 1997, la superprodu­ction de James Cameron, qui mettait en vedette Leonardo DiCaprio et Kate Winslet, avait été devancée au box-office par Les Boys, qui en était alors à sa deuxième semaine sur les écrans. Le Québec était le seul endroit dans le monde où Titanic n’était pas numéro 1.

« Un des producteur­s de Titanic avait téléphoné au président de [l’ancienne chaîne de cinémas] Famous Players et lui avait demandé: “S’cuse me but what’s Les Boys ?” Le gars lui avait répondu : “Je pense que c’est votre iceberg au Québec” », relate M. Goudreau, en riant. Ce succès a été le coup d’envoi d’une série de cinq films qui ont amassé 22,1 millions de dollars aux guichets. « C’est la plus grande franchise cinématogr­aphique canadienne », proclame le président fondateur de ComediHa!, Sylvain Parent-Bédard.

UNE RESSEMBLAN­CE AVEC BROUE

Dire que le plan initial de Richard Goudreau était de convaincre Marc Messier et Michel Côté de tourner un film inspiré de la pièce Broue. « Je rêvais de faire ce film. Ce

n’était pas la pièce, j’avais dit à Marc Messier et Michel Côté que l’histoire se déroulerai­t dix ans plus tard. C’était une nouvelle histoire. Finalement, ça n’a pas marché et j’ai très bien compris pourquoi. Ils avaient peur que ça nuise à la pièce parce qu’ils estimaient qu’elle pouvait marcher encore. C’était une bonne raison, elle a duré 25 ans de plus. »

Le projet des Boys est né par la suite, un jour où le producteur prenait une bière et disait des niaiseries dans le vestiaire après un match de son équipe de ligue de garage.

« Je riais, je riais et tout à coup, j’ai eu un flash : pourquoi je ne ferais pas un film là-dessus ? C’est venu de même », dit M. Goudreau, qui voyait un lien avec Broue. « Aucune femme ne rentre dans un vestiaire de gars, comme à la taverne. »

LES LÉGENDES, AUSSI DES FANS

The rest, comme ils disent, is history. La popularité des Boys a atteint un niveau rarement vu pour une fiction québécoise.

Lors du lancement du premier film, l’équipe des Boys a fait le tour de la province pour disputer des matchs amicaux. Dans chaque aréna, c’était salle comble pour applaudir les Marc Messier, Patrick Huard, Paul Houde, Rémy Girard et compagnie.

Même les anciens pros de la LNH étaient impression­nés, comme en fait foi cette anecdote du tournage du quatrième film, auquel participai­ent Martin Brodeur, Guy Lafleur, Raymond Bourque et de nombreuses autres stars formant l’équipe des Légendes. « Après le lunch, lors de la dernière journée, comme d’habitude, je suis allé dans le vestiaire des gars pour les encourager. Un des acteurs m’a demandé si je pensais que les gars l’autre bord accepterai­ent de signer leurs chandails », raconte Richard Goudreau, qui a traversé la patinoire pour aller s’enquérir de la chose auprès desdites légendes.

« En arrivant, Raymond Bourque me dit : “Richard, penses-tu que les gars [les acteurs] accepterai­ent de signer nos chandails ?” C’est un de mes plus beaux souvenirs avec les Boys. Ça m’a tellement ému quand j’ai vu les gars revenir sur la glace avec des crayons-feutres. »

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PHOTO CHANTAL POIRIER

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