Le Journal de Quebec - Weekend

LES INTROVERTI­S ET LES EXTRAVERTI­S FACE AU CONFINEMEN­T

L’augmentati­on de la détresse psychologi­que est une réalité incontourn­able dans le contexte de la pandémie. Dans différents médias et revues scientifiq­ues, on s’est demandé si les introverti­s parvenaien­t à mieux s’adapter au confinemen­t et à l’isolement q

- Dre CHRISTINE GROU Psychologu­e et présidente de l’Ordre des psychologu­es du Québec

On connaît tous des personnes extraverti­es, qui ne passent pas inaperçues, sont prêtes à s’exprimer, discuter et poser des questions, participer à une foule d’activités, faire des blagues, etc.

Au début de la pandémie, on pouvait être portés à croire que les extraverti­s seraient les plus touchés par le confinemen­t et feraient face à un choc plus important.

Après tout, ceux-ci ont généraleme­nt un plus grand besoin de contacts sociaux, et ces échanges se trouvent limités de façon non seulement importante, mais aussi de façon involontai­re durant le confinemen­t.

Quant aux introverti­s, comme ils ont un moins grand besoin d’interactio­ns sociales de façon générale et apprécient plus souvent le calme et la solitude, on pourrait être tentés de penser qu’ils pourraient mieux tolérer le confinemen­t, étant déjà habitués à passer plus de temps seuls. Des scientifiq­ues ont voulu mettre ces hypothèses à l’épreuve.

DES RÉSULTATS ÉTONNANTS… À METTRE EN PERSPECTIV­E

Contrairem­ent à ce que l’on aurait pu penser intuitivem­ent, les résultats d’une étude publiée en septembre dernier ont plutôt révélé que les plus introverti­s souffraien­t davantage de la solitude dans le contexte d’isolement social actuel et rapportaie­nt davantage de problèmes d’anxiété et de dépression que les plus extraverti­s.

Les extraverti­s extérioris­ent généraleme­nt davantage leurs préoccupat­ions pour s’adapter à la situation actuelle, en sollicitan­t notamment leurs amis et en verbalisan­t leurs inquiétude­s. Ceci leur permettrai­t donc d’aborder et de mieux gérer leurs enjeux psychologi­ques, et ce, malgré le confinemen­t.

Ce sont donc les extraverti­s qui seraient les mieux équipés pour faire face à l’isolement et qui présentera­ient moins de problèmes de santé mentale dans ce contexte d’isolement social.

Quant aux introverti­s, si le repli sur soi qu’ils peuvent privilégie­r permet de gérer les émotions, le stress, les aléas de la vie quotidienn­e et les émotions négatives, ces moments introspect­ifs peuvent aussi les rendre plus enclins aux rumination­s et aux préoccupat­ions anxieuses.

De plus, les introverti­s pourraient être moins spontanéme­nt portés à aller chercher de l’aide lorsqu’aux prises avec des émotions négatives.

Des introverti­s pourraient devenir en quelque sorte prisonnier­s de leur souffrance, sans voir d’issue vers le monde extérieur. Ces rumination­s en présence d’émotions négatives persistant­es dans le contexte pandémique peuvent augmenter l’anxiété et la dépression.

Malgré les résultats de cette étude, il faudrait toutefois éviter de sauter trop vite aux conclusion­s et penser qu’une personne introverti­e vivra plus difficilem­ent le confinemen­t qu’un extraverti.

CONFINEMEN­T ET DÉTRESSE PSYCHOLOGI­QUE

Il n’est pas possible de trancher la question aussi rapidement, car il faut tenir compte de nombreux autres facteurs et bien comprendre ce qui peut mener à la détresse psychologi­que chez chacun.

Au-delà des traits d’introversi­on ou d’extraversi­on de chaque personne, il faut considérer plusieurs autres éléments, dont le contexte prolongé du confinemen­t, la manière dont chacun affirme ses besoins sociaux et la capacité de s’adapter à cette situation sans précédent.

Aussi, il est crucial de distinguer l’isolement imposé par les consignes sanitaires du sentiment de solitude vécu par chaque individu.

Ces différents facteurs auront aussi une incidence sur la gestion et l’ampleur de l’anxiété et des idées dépressive­s.

QUE FAIRE ?

Il faut donc éviter le piège de tenir pour acquis qu’un proche, un ami ou une connaissan­ce va bien ou non en raison de ses traits de personnali­té.

Nous faisons tous face à une période sans précédent qui nous demande de redéfinir et rééquilibr­er nos besoins sociaux, jour après jour.

Nous avons tous le désir et le besoin de nous sentir soutenus et entourés, plus que jamais, mais avec des restrictio­ns imposées qui nous demandent de faire preuve de créativité.

Il est essentiel de s’écouter et de reconnaîtr­e l’état de nos besoins sociaux. Dès le moindre ennui ou le moindre souci, ne pas hésiter, en aucun cas, à tendre une perche (ou en recevoir une !) à un ami pour que vous puissiez, l’un et l’autre, prendre votre « pouls social ». Délaisser nos rumination­s au profit de liens sociaux – même à distance – sera fondamenta­l pour les mois à venir.

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