Le Journal de Quebec - Weekend

HOMMAGE À L’ACADIE

- MARIE-FRANCE BORNAIS Le Journal de Québec

Pour inaugurer une collection anthologiq­ue tirée du fonds littéraire de Leméac, cette prestigieu­se maison d’édition a rassemblé neuf oeuvres en prose d’Antonine Maillet, débutant en 1957 par le roman Pointe-aux-Coques. On retrouve dans ce premier tome des incontourn­ables, comme Pélagie-laCharrett­e (prix Goncourt 1979). C’est à la fois une fabuleuse immersion dans l’oeuvre d’une grande dame de la littératur­e francophon­e et une oeuvre indissocia­ble de l’Acadie.

Plus de 60 ans après la sortie de

Pointe-aux-Coques, Antonine Maillet parle toujours avec autant d’enthousias­me de sa carrière. Elle n’a jamais cessé d’écrire et vient tout juste de mettre le point final à son prochain projet – un conte mettant en vedette Radi, Nounours et Scapin.

« Je vais bien quand mon travail va bien et j’ai terminé un livre hier ! C’est pas mal, ça ! », s’exclame-t-elle d’entrée de jeu, dans un entretien téléphoniq­ue. « Devinez quel est mon dernier mot ? » Hum… Acadie ? « Non… espoir ! » Espiègle, elle rit de bon coeur… comme toujours. « Les deux vont ensemble, en fait. »

La grande dame de la littératur­e a reçu le tome 1 des OEuvres le jour même où elle terminait son prochain livre. Avant la publicatio­n, elle s’est replongée dans chacune de ces oeuvres.

« Les livres que je croyais les meilleurs, je leur trouvais des fautes, je leur trouvais des choses que je n’aimais pas.

Et les livres que j’avais négligés un peu, je ne m’en rappelais pas trop… eh bien, ils étaient bons ! C’est curieux : après toutes ces années, on a un jugement qui est différent. »

Elle a relu Pointe-aux-Coques, son premier roman publié, avec plaisir. « J’avais un jugement assez sévère sur ce livre, parce que c’était le premier que j’écrivais tout au complet. J’avais dans la jeune vingtaine. J’essayais d’écrire très correcteme­nt, très français, tout ça. Quand je l’ai relu, j’ai trouvé qu’il y avait un rythme, des sentiments. Le deuxième livre, On a mangé la dune, je l’ai écrit carrément en acadien – la langue acadienne. »

SES PERSONNAGE­S

Dans son oeuvre, Antonine Maillet a créé plus de 1000 personnage­s, surgis de sa culture, de son imaginaire. Et chacun a eu son modèle dans la vie réelle, écritelle dans l’introducti­on.

En entrevue, elle précise. « Je n’ai jamais inventé de toutes pièces de personnage­s. J’ai toujours été inspirée par quelqu’un de réel. Mes personnage­s sont des personnes que je peux voir, que je peux nommer. Bien sûr, je les transforme – probableme­nt que la plupart ne se reconnaîtr­aient pas. Quand ce n’est pas une personne, ça peut être deux ou trois personnes qui m’ont inspiré un personnage. »

C’est le cas pour le personnage-culte de La Sagouine et pour Pélagie-laCharrett­e. Pour cette dernière, elle avait deux ou trois modèles en tête… et se souvient d’avoir vécu une crise identitair­e à 5 ans, n’étant ni « canadienne » (c’est-à-dire québécoise) ni « anglaise ». Sa mère lui avait alors révélé qu’elle était acadienne.

« Après, elle a ajouté : l’Acadie, ça n’existe plus. J’ai dû fondre en larmes encore… parce qu’elle m’a serrée dans ses bras. Elle m’a dit : ne t’en fais pas, elle va revivre, parce qu’on va la faire revivre, nous. Et je suis sûre que c’est ce jour-là qu’est née Pélagie. »

LA MÉMOIRE D’UN PEUPLE

Dans l’introducti­on, Antonine Maillet écrit qu’on peut déposséder un peuple de ses terres, mais pas de son âme, de sa langue, de sa mémoire.

« J’ai eu un rôle à jouer, c’est vrai, je suis consciente de ça. Je suis consciente qu’avec la Sagouine, j’ai relancé l’Acadie. Je l’ai fait connaître au monde. Avec Pélagie aussi. Si j’ai révélé un peuple au monde, bien, j’ai joué un rôle, bien sûr. »

Avec l’écriture, elle a contribué à sauver la mémoire d’un peuple.

√ Antonine Maillet est née en 1929 à Bouctouche, au NouveauBru­nswick.

√ Elle a publié une cinquantai­ne de livres (romans, contes, pièces de

théâtre et essais), dont La Sagouine, Pélagie-la-Charrette (prix

Goncourt 1979), Le huitième jour, Le chemin Saint-Jacques, Le mystérieux voyage de Rien, Fais confiance à la mer, elle te portera et, tout récemment, à l’occasion de son quatre-vingt-dixième anniversai­re,

Clin d’oeil au Temps qui passe.

√ Sa renommée s’étend à toute la francophon­ie, et son oeuvre est aujourd’hui traduite dans de nombreuses langues.

√ Son nouveau conte sortira bientôt.

√ Sous formes de rétrospect­ives, CORPUS LEMÉAC proposera une relecture des oeuvres fondatrice­s du catalogue. Déjà sont prévues des séries avec les univers d’Hubert Aquin, de Marcel Dubé, de Jacques Ferron, de Françoise Loranger, de Jovette Marchessau­lt, de Francine Noël, d’Antonine Maillet, de Jacques Poulin, de Michel Tremblay…

 ??  ?? OEuvres I comprend :
Pointe-aux-Coques – On a mangé la dune – Par-derrière chez mon père – Don l’Orignal – Mariaagéla­s
– Emmanuel à Joseph à Dâvit – Les Cordes-de-Bois – Pélagie-la-Charrette – La Gribouille (Cent ans dans les bois)
OEUVRES, TOME 1
Antonine Maillet Éditions Leméac 1104 pages environ
OEuvres I comprend : Pointe-aux-Coques – On a mangé la dune – Par-derrière chez mon père – Don l’Orignal – Mariaagéla­s – Emmanuel à Joseph à Dâvit – Les Cordes-de-Bois – Pélagie-la-Charrette – La Gribouille (Cent ans dans les bois) OEUVRES, TOME 1 Antonine Maillet Éditions Leméac 1104 pages environ

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