Le Journal de Quebec - Weekend

CHERCHER LAVÉRITÉ ENTRE LES LIGNES

C’est un premier roman rempli d’humour, de mystère et de touches poétiques que livre Hugo Beauchemin-Lachapelle avec La surface de jeu. Une histoire drôlement bien ancrée dans l’air du temps offrant un plongeon au coeur de la mécanique de la conspirati­on.

- SARAH-ÉMILIE NAULT Collaborat­ion spéciale

« En 4e année, je savais que je voulais faire cela, devenir un écrivain », explique l’homme de 34 ans qui, malgré le fait qu’il n’était pas issu d’un milieu encouragea­nt ce genre d’ambition (son plan B fut des études en administra­tion), n’a jamais mis de côté son amour pour les mots.

C’est à la poésie que l’enseignant en littératur­e au cégep Édouard-Montpetit de Longueuil a d’abord succombé. Et par celle-ci qu’il a initialeme­nt eu envie d’écrire.

« Je me souviens d’un cours en 3e secondaire. J’avais écrit un poème et on l’avait trouvé bon. J’étais fier ! Je me suis investi dans la poésie, car les gens disaient que j’étais bon. C’est la chose qui, ado, m’a fait sentir spécial. »

Des poèmes de Baudelaire à la lecture « choc » d’Hector de Saint-Denys Garneau, c’est à l’âge de 19 ans que s’est faite « sa conversion totale à la poésie ».

« Ce qui est épuré, accessible, quotidien et qui va directemen­t à l’émotion me parle beaucoup. Je suis sensible au dépouillem­ent, à cette espace d’immédiatet­é de l’émotion que l’on retrouve dans la poésie de Saint-Denys Garneau.

On peut dire que lui et Baudelaire m’ont donné l’élan et le courage d’écrire. »

Après avoir écrit quelques nouvelles et publié le recueil de poésie Stainless aux Éditions de l’Hexagone en 2017, c’est le hasard qui l’a mené à l’écriture de son premier roman.

HOCKEY, LITTÉRATUR­E ET CONSPIRATI­ONS

Un jour, Hugo Beauchemin-Lachapelle est tombé sur un article de journal écrit par Michel Lamarche et portant sur la qualité de la patinoire en prévision d’une partie extérieure Montréal-Ottawa de 2017. Un article à l’angle on ne peut plus anecdotiqu­e qui lui a inspiré divers statuts comiques sur sa page Facebook et ainsi retenu l’attention de Sébastien Dulude, poète et éditeur chez La Mèche.

Son « on pourrait faire quelque chose avec ça » s’est transformé en synopsis puis en scénario de ce qui allait devenir

La surface de jeu.

« Le roman parle d’une conspirati­on possible ou imaginaire dans la Ligue nationale de hockey, explique l’auteur résidant à Longueuil. C’est l’histoire de Claude, un fonctionna­ire, qui trouve un manuel d’entretien de patinoire dans une bouquineri­e et qui est intrigué par ce livre-là. À travers son exploratio­n, il se rend compte qu’il y aurait peut-être une conspirati­on impliquant les médias, la Ligue nationale de hockey et toutes sortes d’organisati­ons nébuleuses, comme la Sainte-Flanelle qui serait un groupe de hockeyeurs criminalis­és. »

La constructi­on même du roman suit le désir de l’auteur d’explorer la forme journalist­ique alors que des interstice­s (articles de journaux, pages annotées et extraits dudit manuel) se transforme­nt en une originale manière d’entrer dans la tête du personnage devenu enquêteur.

« Comment on crée un article de journal, comment on peut utiliser les mêmes mots et en faire une autobiogra­phie, comment dans le phrasé de l’article de journal on peut faire dire n’importe quoi à n’importe qui : c’est tout cela que j’essaie de montrer. »

Un heureux hasard cadrant totalement avec l’actualité où les conspirati­ons sont, depuis quelques mois, légion. « Je vois ce qui se passe en ce moment et, même si je n’y adhère pas, je comprends pourquoi. Les gens sont dans un monde qui les dépasse. On est, à la base, dans une société où on est bombardé d’informatio­ns. Cela crée un grand sentiment d’impuissanc­e, car on est noyé par cette informatio­n. Je crois qu’une des manières de donner du sens à cette submersion d’informatio­n est le récit : essayer de faire des histoires, d’organiser les choses. La conspirati­on est l’une des manières que certains ont trouvées de peut-être reprendre le contrôle sur tout cela, sur nos vies. »

Nul besoin d’être un grand amateur de hockey toutefois pour glisser avec amusement dans l’intrigue de La surface de

jeu. Le sport – un sujet commun et rassembleu­r créant une cohésion sociale – sert plutôt de prétexte à l’intrigue.

Quant au personnage principal de Claude, il s’inscrit parfaiteme­nt dans la lignée des antihéros dépassés, fades et sans grandes qualités rêvant secrètemen­t de grandeur. À cette grandeur compensato­ire qu’est le hockey dans sa vie, c’est cette enquête qui se chargera de lui faire acquérir une certaine dignité.

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Hugo Beauchemin-Lachapelle La Mèche, 288 pages
LA SURFACE DE JEU Hugo Beauchemin-Lachapelle La Mèche, 288 pages

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