Le Journal de Quebec

PAS DE GUERRE DE PRIX

Huit firmes auraient pris entente afin de maintenir leurs profits dans les contrats avec la Ville de Québec

- Marianne White

Huit firmes de génie-conseil se sont partagé les contrats à la Ville de Québec de 2004 à 2011 afin de mettre fin à la guerre de prix qui faisait fondre leurs profits.

Patrice Mathieu, un ancien vice-président génie urbain et transport chez AECOM, a affirmé à la commission Charbonnea­u que les firmes SNC-Lavalin, Génivar, Dessau, BPR, Roche, Cima+, HBA-Teknika et TecsultAEC­OM s’étaient entendues pour mettre en place un système de collusion qui aurait sévi surtout de 2006 à 2010.

Il a nommé les représenta­nts des firmes qui auraient participé à ce réseau de collusion: Michel Labbé et Michel Émond de SNC- Lavalin, Éric Tremblay de Génivar, Jean-François Lapointe de Dessau, Marcel Faucher et Jostran Lamontagne de BPR, André Côté et Denis St-Cyr de Roche, Pierre Moffet et Michel Auger de CIMA+ et Émile Langlois de HBA-Teknika (maintenant Exp).

Chez Tecsult-AECOM, M. Mathieu a soutenu que ses patrons, Pierre Asselin et Luc Benoît, ainsi que le viceprésid­ent, Jacques Gagné, étaient au courant de ses activités de collusion.

«J’ai pas fait ça tout seul, là moi. C’était une directive générale (de la direction)», a dit M. Mathieu.

Pas d’élus

Le témoin a précisé qu’aucun fonctionna­ire ni élu ne prenait part à ce stratagème. Il a également noté qu’à sa connaissan­ce, il n’y avait pas eu de collusion dans l’allocation de contrats pour la constructi­on du nouvel amphithéât­re à Québec.

Les gros bureaux d’ingénierie de Québec ont commencé à «se parler» en 2004 pour se partager les contrats pour la constructi­on de cinq bassins de rétention pour la rivière Saint-Charles.

La Ville de Québec a détecté le stratagème et a décidé de refaire un appel d’offres. Les firmes impliquées, SNCLavalin, Génivar, Tecsult, RSW et Dessau, ont été convoquées peu après par le directeur général, Denis de Belleval (voir autre texte).

En dépit de la mise en garde de la Ville, les firmes ont réussi à se partager les contrats à leur guise, a noté M. Mathieu.

En 2006, les contrats étant très nombreux à Québec, les entreprise­s ont choisi de s’entendre pour éviter de se mettre en concurrenc­e. L’objectif, a noté M. Mathieu, était de mettre fin à la «terrible» guerre des prix engendrée par la loi 106, qui force les administra­tions publiques à choisir le plus bas soumission­naire.

Rencontres fréquentes

«Les affaires ont pris le dessus sur le code d’éthique», a concédé M. Mathieu, ajoutant que tous étaient «conscients que ce n’était pas correct».

Tous ces collusionn­aires allégués étaient membres de l’Associatio­n des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ), a souligné M. Mathieu, puisque les contrats étaient discutés et distribués lors des réunions de la section locale de l’AICQ.

Ces rencontres se sont tenues dans les bureaux des firmes, ainsi que quelques fois dans des hôtels, six à sept fois par année. M. Mathieu a souligné que les prix n’étaient jamais discutés au téléphone.

Les contrats étaient attribués en fonction des disponibil­ités de la main-d’oeuvre et de la grosseur des entreprise­s. Certains contrats ont aussi été obtenus en créant des consortium­s. Les collusionn­aires ciblaient les ouvrages en génie urbain, qui représente­nt 70 % des contrats donnés à Québec.

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