Le Journal de Quebec

J’y perds mon latin

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

Hier, la Fédération autonome de l’enseigneme­nt (FAE), qui représente 32 000 profs, a affirmé qu’elle s’opposait à l’interdicti­on du port de signes religieux à l’école – qu’ils soient ostentatoi­res ou non.

«Ce sont les institutio­ns qui doivent être laïques, a expliqué le président de la FAE, pas les individus.»

En d’autres termes: l’école doit être laïque, mais les profs peuvent afficher leurs croyances religieuse­s comme ils le veulent.

Comprenne qui pourra.

LAÏCITÉ DE BÉTON

Comme m’a très justement lancé Jonathan Valois: «C’est de la laïcité de béton. Tu n’as pas le droit d’accrocher un crucifix sur le mur, mais tu peux t’en mettre un autour du cou, pas de problème!»

Le plus drôle, c’est que la FAE affirme que le gouverneme­nt Marois manque de cohérence en voulant interdire les signes ostentatoi­res dans les institutio­ns publiques, sauf le crucifix à l’Assemblée nationale.

Mais n’est-ce pas AUSSI un manque de cohérence que d’interdire les signes religieux sur les murs des écoles, mais pas sur les vêtements des profs? Ou l’école est laïque ou elle ne l’est pas! Une porte ne peut pas être à la fois ouverte et fermée.

Qu’est-ce qu’un prof sinon un représenta­nt de l’école? Dire qu’un prof n’est pas un représenta­nt de l’école, c’est comme dire que la croix n’est pas un signe religieux, mais un «symbole historique et patrimonia­l».

C’est jouer sur les mots et éviter d’appeler un chat un chat.

Bref, la FAE critique le gouverneme­nt... Mais fait exactement ce que fait le gouverneme­nt!

Elle prône la neutralité de l’État tout en ouvrant la porte à la religion dans les institutio­ns publiques!

C’est à y perdre son latin…

CLAIR ET NET

En France, au moins, on est cohérent. On n’applique pas les principes de laïcité qu’au béton, aux chaises ou aux bureaux: on l’applique aussi aux gens!

Les profs, en tant que représenta­nts de l’école, ne peuvent porter AUCUN signe religieux.

«Les agents contribuan­t au service public de l’éducation, quels que soient leur fonction et leur statut, sont soumis à un strict devoir de neutralité qui leur interdit le port de tout signe d’appartenan­ce religieuse, même discret, affirme la loi du 15 mars 2004. Ils doivent également s’abstenir de toute attitude qui pourrait être interprété­e comme une marque d’adhésion ou, au contraire, comme une critique à l’égard d'une croyance particuliè­re.»

Pas de tataouinag­e, de «Non sur les murs, mais oui sur ta tête». C’est clair et net. Quant aux élèves français, ils peuvent porter des signes discrets qui «ne conduisent pas à se faire immédiatem­ent reconnaîtr­e par son appartenan­ce religieuse».

UN PEU DE COHÉRENCE !

Personnell­ement, je suis d’accord avec la position de la FAE sur le crucifix de l’Assemblée nationale: on ne peut pas dire aux gens «on ne veut pas de signe religieux ostentatoi­re» tout en gardant un signe religieux ostentatoi­re dans le Salon bleu!

Ce serait comme vanter les vertus du végétarism­e en grignotant un jarret d’agneau.

Mais de même, on ne peut pas déclarer l’école laïque… tout en permettant aux représenta­nts de celle-ci d’afficher leur appartenan­ce religieuse!

Un peu de cohérence, bon Dieu!

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