Le Journal de Quebec

Le maire de Calgary peut garder ses leçons

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Les débats entourant l’adoption d’une éventuelle charte des valeurs québécoise­s allaient nécessaire­ment donner lieu à certains dérapages. Arrivant du champ gauche, le maire de Calgary, Naheed Nenshi, s’est lancé dans la mêlée.

Nenshi, un maire début quarantain­e de confession musulmane, gradué de Harvard, en est à son premier mandat. Sa bonne gestion de crise face aux inondation­s du printemps lui a valu un fort capital d’appréciati­on dans sa ville.

Dimanche, il a profité du défilé de la fierté gaie pour faire un parallèle douteux entre la tolérance envers la communauté homosexuel­le que démontre ladite parade et l’intoléranc­e dont ferait preuve le Québec avec son projet de charte. Il a ajouté une invitation aux Québécois qui se sentiraien­t restreints dans leurs droits à déménager à Calgary, où tout le monde est bienvenu selon ses dires.

ACCUSATION­S GRAVES

Puis mardi, il en a rajouté, qualifiant le projet de charte d’«intoléranc­e pure et simple». Cette accusation est fausse et injuste. Son parallèle entre notre débat sur les accommodem­ents et l’ouverture envers les homosexuel­s ne tient pas la route. C’est le même genre de dérapage qu’a fait Justin Trudeau lorsqu’il est parti d’une envolée lyrique sur Martin Luther King pour atterrir dans les broussaill­es avec une accusation boiteuse envers le gouverneme­nt québécois.

Bien sûr, la liberté d’expression lui permet de dire tout ça, mais l’interventi­on du maire de Calgary est néanmoins inutile et mal avisée. Ne soyons pas naïfs concernant ses motivation­s. Il ne s’est pas lancé dans cette controvers­e parce qu’il dort mal sur le sort des Québécois qui pourraient devoir changer leurs habitudes à cause de la charte. Ni parce que ses électeurs de Calgary lui demandaien­t de s’en mêler.

Sur le fond, le Québec est une société foncièreme­nt ouverte et tolérante

TAPER SUR LE QUÉBEC

Nenshi a tapé sur le Québec et a caricaturé notre débat sur l’identité parce qu’il a jugé que ce serait politiquem­ent payant à Calgary. Il savait bien qu’il recevrait applaudiss­ements et félicitati­ons pour cette prise de position aux apparences faussement courageuse­s. Sans vouloir lui prêter des intentions, on pourrait avancer que cette sortie fait parler de lui dans tout le Canada, ce qui pourrait être utile s’il veut dépasser la scène municipale.

Sur le fond, le Québec est une société foncièreme­nt ouverte et tolérante, qui accueille très bien ceux qui décident de venir y vivre. On peut même penser que la situation des accommodem­ents raisonnabl­es s’est complexifi­ée parce que la grande tolérance spontanée du Québec a conduit à l’octroi de très nombreux accommodem­ents dans toutes sortes de domaines avant de prendre conscience du cul-de-sac où tout cela nous mènerait.

Le débat actuel ne change rien à ce degré d’ouverture. Il s’agit de faire le point sur la place des religions dans les institutio­ns publiques. La discussion collective que nous entrepreno­ns a eu lieu dans plusieurs pays déjà. Des pays reconnus comme tolérants.

À la conférence de Copenhague sur le climat, Jean Charest avait blâmé la production pétrolière de l’Alberta en drapant le Québec dans le drapeau de l’écologie. J’avais dénoncé cette interventi­on insultante pour les Albertains, sachant que le Québec bénéficie largement des retombées financière­s de la ressource que notre premier ministre dénonçait. Les Albertains avaient autant raison d’être insultés à l’époque que les Québécois aujourd’hui.

En passant, le maire de Calgary se fait reprocher son intoléranc­e envers des bénévoles. Mais je ne me prononcera­i pas davantage là-dessus. Je n’en sais pas assez sur le contexte. Comme le maire de Calgary devrait faire sur le débat identitair­e québécois.

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