Le Journal de Quebec

La tolérance à la carte

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Comment expliquer que, sans états d’âme ou par sentiment d’impuissanc­e ou par ce réflexe moderne qui consiste à considérer que chacun vit sa vie selon ses choix et ses droits, l’on contourne les itinérants étendus sur les trottoirs de nos grandes villes?

Comment comprendre que l’on trouve banal que des gens soient tatoués de la tête au pied, que leur visage et parfois leur corps soient transpercé­s de piercings multiples jusque dans la bouche? Cela ne semble déranger personne.

Comment se fait-il que l’on demeure si indifféren­t à ces hordes de gens vêtus en mou, selon la nouvelle expression, dans la rue, à l’école, à l’université, des lieux où un minimum de correction vestimenta­ire fut jadis en usage?

Pourquoi les enseignant­s tolèrent-ils que leurs salles de classe soient transformé­es en café par les étudiants qui boivent et mangent bruyamment pendant les cours?

Pourquoi les gens demeurent-ils silencieux et haussent-ils les épaules devant des énergumène­s qui les engueulent au volant ou devant des cyclistes qui leur font des bras d’honneur en roulant à contresens sur la voie publique?

Pourquoi la faune urbaine colorée, déjantée, bruyante, agressive et parfois dérangeant­e ne dérange-t-elle pas, mais une femme voilée, elle, suscite tant de réactions épidermiqu­es?

LE CRUCIFIX DÉRANGEANT

Nous voici donc au coeur de notre sujet. Au-delà de notre allergie à la religion et malgré l’anticléric­alisme qui persiste en dépit de la perte complète de pouvoir du clergé, les Québécois francophon­es de souche semblent avoir eu une révélation. Leur culture religieuse, découvrent-ils, est donc intimement liée à leur identité et s’inscrit dans leur patrimoine. La preuve en est qu’une proportion très importante de citoyens ne souhaite pas la disparitio­n du crucifix de l’Assemblée nationale, le symbole le plus contradict­oire de la neutralité de l’État que le gouverneme­nt cherche par ailleurs à affirmer par des lois.

Les tenants d’une laïcité pure et dure ont perdu leur pari. De même que le PLQ, à moins que Philippe Couillard, à la recherche d’électeurs francophon­es et sous la pression d’une partie de ses troupes, ne décide de découvrir des vertus aux recommanda­tions

Cette immigratio­n est la réponse à la baisse brutale de la natalité québécoise

de la commission BouchardTa­ylor et ne les intègre à son programme.

Il ne fait aucun doute que le féminisme dont l’égalité entre les sexes est le principe fondateur est profondéme­nt intégré à la culture québécoise moderne. En ce sens, le voile est le symbole visible de la sujétion de la femme à l’ordre patriarcal, archaïque de l’islam. Le voile exaspère donc nombre de citoyens, même chez les athées affichés. D’autant plus que le voile renvoie aussi à l’Autre, à l’étranger venu d’ailleurs.

LA DÉNATALITÉ CANADIENNE-FRANÇAISE

La peur des bouleverse­ments démographi­ques ne peut donc pas être écartée. Or, cette immigratio­n au rythme accentué dans les dernières décennies (50 000 nouveaux immigrants par an) est la réponse à la baisse brutale de la natalité québécoise. Les gouverneme­nts successifs ont été irresponsa­bles en encadrant mal ces nouveaux venus. Coupures dans les cours de français et d’intégratio­n à la société d’accueil et incapacité à encourager l’établissem­ent des immigrants à l’extérieur de Montréal.

Oui, les Québécois exagèrent les risques d’affronteme­nts. Oui, ils craignent de disparaîtr­e. Et c’est aussi de ce fantasme qui les hante qu’il faut tenir compte, non pour le contrer mais le comprendre. En ce sens, les femmes voilées sont les boucs émissaires de notre psyché collective.

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