Le Journal de Quebec

Vous n’avez pas besoin de gratte-ciel

- AUBIN

les gratte-ciel sont la réponse des grosses villes Au Manque d’espace. québec ne Manque pas d’espace

Je suis né dans St-Sauveur, j’ai grandi à Lévis, j’ai traîné dans le Vieux-Québec quand il était encore le Quartier latin, vivant, habité, fréquenté. J’ai vécu dans Sillery, le Petit Champlain et St-Jean Baptiste. Je suis parti pour Montréal il y a 40 ans, mais je suis, toujours, un gars de Québec. Un amoureux de Québec, mais déçu par sa ville, et navré de voir ce qu’elle s’obstine à devenir.

Naître et grandir dans cette ville du patrimoine mondial m’a doté d’une richesse enviable: un sens précis de mon identité géographiq­ue, historique, culturelle et politique. Je viens d’une ville romantique, une forteresse qui a subi des sièges, connu plusieurs régimes, parlé plusieurs langues, et salué plusieurs drapeaux.

Une ville déjà vieille, où les premiers Européens ont appris à construire pour l’Amérique, une ville où des édifices, des monuments, des squares, des plaques aux coins des rues, racontent mon histoire et me disent qui je suis et d’où je sors. Une ville unique, originale. Mais, hélas, une ville qui se tourne le dos à elle-même.

Personne ne décide jamais d’aller faire un tour à Québec pour admirer le boulevard Henri IV, le Complexe G, le campus universita­ire ou l’architectu­re du boulevard Laurier, ses motels, ses centres commerciau­x accessible­s en auto seulement, et ses quelques blocs de béton glauques aux façades oubliables, éparpillés ci et là, loin du chemin et de tout.

Pourtant, l’idéal urbain des gens de Québec, ce n’est pas Limoilou, Montcalm ou St-Roch, malgré les efforts inspirés de l’ex-maire Jean-Paul L’Allier de les décaper pour en rétablir les attraits manifestes. L’idéal de Québec c’est CapRouge, le St-Jean Chrysostom­e des sous-ministres — du bon bord du pont, pas loin des centres d’achats.

OCCASION RATÉE

C’est à un carrefour d’autoroutes digne du Dix-Trente, qu’on va ériger «Le Phare» de Québec. Le maire Régis Labeaume parle de cette tour de 65 étages comme «d’un projet phare, un projet signature.» Pourtant, s’il y a une chose dont Québec ne manque pas, c’est bien d’une signature. Elle est une des villes les plus facilement reconnaiss­ables au monde!

Et de telles bizounes en miroir de 200 mètres de haut, on en trouve aussi à Dubaï, Quala Lumpur, Istanbul, Nankin, ou, comme le soulignait le promoteur, Michel Dallaire, à Edmonton ou Calgary, des villes si récentes qu’elles n’ont pas de patrimoine à protéger ou à offrir, à part ces tours «signature».

Les gratte-ciel sont la réponse des grosses villes au manque d’espace. Québec ne manque pas d’espace. Elle manque plutôt de densité, de diversité, d’activité en ville. Québec va bien, elle prospère, elle a de l’argent. Avec un peu d’audace et d’imaginatio­n, elle aurait pu créer une architectu­re, un urbanisme lui ressemblan­t, et inventer de nouvelles façons de réinvestir la ville, de la mettre en valeur, à l’aube de l’ère postbanlie­ue.

Mais, non, elle choisit plutôt de construire un immeuble semblable aux autres, incongru dans son isolement, et vingt ans en retard sur l’avenir.

Une belle occasion ratée de se doter d’un vrai projet phare, ne trouvez-vous pas?

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