Réforme du mode de scrutin : une fausse bonne idée
Je suis aussi sceptique quant à la possibilité d’une réforme dans un avenir prévisible.
Dans une lettre publiée jeudi, un groupe de personnalités éminentes en Appelle Aux Candidats À la Chefferie du Parti québécois pour qu’ils remettent Au premier plan la réforme du mode de scrutin Afin d’y introduire des éléments de proportionnelle. Est-ce vraiment une Bonne idée?
J’ai beaucoup de respect pour les signataires de cette lettre et il est difficile de ne pas être d’accord avec l’objectif d’améliorer notre vie démocratique et nos institutions. Je demeure toutefois sceptique quant à la nécessité de ramener encore une fois cette question au centre des débats politiques, surtout du point de vue du Parti québécois.
Je suis aussi sceptique quant à la possibilité d’une réforme dans un avenir prévisible. Quel gouvernement y trouverait son compte? Pourquoi un parti changerait-il le système qui l’a amené au pouvoir? Combien de gouvernements québécois ont concrètement donné suite à leurs promesses de réformer le système par le passé?
La Colombie-britannique et l’ontario ont fait de grands pas vers la réforme de leurs modes de scrutin, mais ces projets ont été rejetés par les électeurs. Le référendum est devenu de facto le test de légitimité de telles réformes, mais il serait très improbable qu’on atteigne un degré suffisant de concordance d’intérêts entre les partis et les groupes pour qu’une réforme puisse passer un tel test au Québec.
NOTRE SYSTÈME FONCTIONNE-T-IL SI MAL QUE ÇA ?
La lettre de jeudi rappelle que René Lévesque qualifiait le mode de scrutin britannique de «démocratiquement infect». Effectivement, il y a souvent des écarts entre les distributions des votes et des sièges, mais ces écarts ne sont pas énormes et le système a permis une saine alternance entre les grands courants politiques représentés par les principaux partis.
Il faut aussi accorder un certain mérite à un système qui favorise de grands partis pragmatiques et ouverts aux débats internes qui alternent dans la formation de gouvernements relativement stables, plutôt que des gouvernements instables qui dépendent de tractations secrètes entre représentants de partis aux intérêts plus étroitement définis.
LE RISQUE DE MISER SUR UNE RÉFORME HYPOTHÉTIQUE
Comme plusieurs signataires de la lettre de jeudi, les partisans de la réforme du mode de scrutin sont souvent liés à la gauche souverainiste. Dans l’abstrait, un système proportionnel pourrait fort bien favoriser une coalition souverainiste gagnante, mais la persistance du débat sur la réforme a nui au Parti québécois.
En effet, ce débat a entretenu l’illusion de l’imminence d’une réforme. Par conséquent, de nombreux souverainistes ont eu tendance à structurer leurs attentes et à concevoir leurs stratégies en fonction d’un système qui n’existe pas encore et qui a peu de chances de voir le jour. On n’arrive pas à faire adopter sa vision du monde par le PQ? Pas de problème! Si on postule que la proportionnelle est imminente, la formation d’un parti qui n’a aucune chance dans le système actuel devient une stratégie gagnante.
Dans l’abstrait, le changement des règles du jeu a du mérite, mais pour gagner il faut jouer en fonction des règles qu’on a, pas de celles qu’on souhaiterait avoir.