L’intoxication idéologique
On se souviendra longtemps des événements des derniers jours à L’UQAM. Une petite minorité de militants qui se réclame d’une manière ou de l’autre de l’anarchisme, soutenue par une frange minoritaire, mais radicale du corps professoral, s’est barricadée dans l’université pour se livrer à une mauvaise comédie révolutionnaire, qui aurait pu bien mal tourner. Comment expliquer une telle dérive?
UN PÉTARD MOUILLÉ ?
Il y a quelques semaines encore, la gauche étudiante espérait provoquer une crise sociale au Québec, en rejouant le printemps 2012. On s’en souvient, à ce moment, le Québec s’était enflammé. La grève étudiante avait canalisé un profond malaise social. Alors, pourquoi ne pas frapper à nouveau un grand coup et déclencher des turbulences sociales? La lutte contre l’austérité en fournirait le contexte.
Sauf que cela n’a pas marché. Non seulement la grève était mal préparée, mais, à tort ou à raison, la société québécoise semble moins disposée à se soulever qu’il y a trois ans. Les réserves de colère semblent à sec. Alors ceux qui espéraient que la grève conduise à la révolution se radicalisent au même rythme
où la grande majo- rité de la population se détourne d’eux. Moins la population désire s’embarquer dans leur lutte, plus ils la croiront bonne à n’importe quel prix.
Ils basculent alors dans un monde parallèle où ils sont investis d’une mission: résister par tous les moyens à une société qu’ils décrètent fasciste. Ils chercheront même à provoquer des affrontements de plus en plus marqués avec les forces de l’ordre pour dévoiler, toujours selon leur logique, le caractère fondamentalement répressif de notre société. Peut-être alors le commun des mortels sera-t-il illuminé et rejoindra le camp contestataire.
MAI 68
La comparaison avec Mai 68 est peutêtre ici éclairante. On le sait, en Mai 68, la France s’était embrasée, les barricades avaient poussé à Paris, le pouvoir luimême s’était senti fragilisé. Puis l’ordre avait été rétabli. Mais plusieurs avaient connu dans la contestation une forme d’orgasme politique. Ils avaient senti que tout était possible. Ce sentiment est grisant. D’un jour à l’autre, on se sent happé par l’histoire, on transfigure sa vie. On ai- merait que cela dure toujours.
Au fil des ans, plusieurs ont cherché à refaire Mai 68, mais la société ne suivait plus. Les sociétés n’ont pas toujours envie de vivre sous le règne des émotions fortes. Il y a des moments d’explosion sociale. Mais la vie ordinaire a aussi ses droits. C’est alors que les groupuscules révolutionnaires et sectaires ont pullulé. Ils s’enfermèrent dans un radicalisme stérile pourrissant la démocratie. Il n’est pas impossible qu’on assiste à un semblable phénomène maintenant.
La cause étudiante est noble et notre société, de temps en temps, doit être remise en question vivement. Mais les individus qui s’encagoulent tellement ils sont intoxiqués idéologiquement n’en représentent pas la meilleure part. Ils disent rêver de justice sociale. Ils rêvent surtout d’un affrontement violent avec les grandes institutions, quitte à prendre en otage la plus noble d’entre elles, l’université. Ils se disent attachés au savoir. En fait, ce sont des enragés fanatisés.
Plusieurs avaient connu dans la contestation une forme d’orgasme politique. Ils avaient senti que tout était possible.