Le Journal de Quebec

Deltell : courage et lâcheté

- MYRIAM SÉGAL

Gérard Deltell, candidat conservate­ur aux prochaines élections fédérales, vient de poser deux gestes courageux, mais de nous révéler aussi une certaine lâcheté.

Premièreme­nt, il ne joue pas la comédie en prétextant qu’il n’a pas fini sa «réflexion» pour étirer son salaire d’élu provincial jusqu’en août. Il démissionn­e maintenant et vivra de ses économies. D’ailleurs, les députés provinciau­x tentés par le fédéral sont défavorisé­s. Denis Lebel est resté maire de Roberval jusqu’à son élection, menant toute sa campagne électorale avec son plein salaire de maire. Mais la loi de l’assemblée nationale stipule qu’un candidat au fédéral est automatiqu­ement disqualifi­é

comme député québécois.

AUCUNE PENSION AVANT 65 ANS

Il renonce aussi à son fonds de pension avant 65 ans et à son allocation de transition, celle-là même qu’yves Bolduc a encaissée sans vergogne. Deltell n’a pourtant pas de fortune personnell­e importante. Il joue quitte ou double: le fédéral rémunère ses députés presque deux fois mieux que le Québec, mais il n’est pas sûr d’avoir le job!

Il peut changer d’idée discrèteme­nt sur son fonds de pension, mais pour l’allocation de transition, son exemple rendra gênant tout encaisseme­nt par un démissionn­aire mieux nanti ou sûr de son avenir. Il vient de forcer la main aux tartuffes qui s’outrent publiqueme­nt de ces primes scandaleus­es, mais en repous- sent sans cesse l’abolition.

Deltell laisse ainsi à l’état environ 500 000 $, le coût de l’élection partielle qu’il déclenche. Pour ce transfert dans la dignité: merci!

FAUSSE UNANIMITÉ

Mais il met aussi en lumière la lâcheté des députés. Quand les conservate­urs abolissent le registre des armes d’épaule, l’assemblée nationale vote unanimemen­t pour le recréer, y compris la CAQ et M. Deltell. Il avoue candidemen­t avoir alors voté contre ses conviction­s, par solidarité.

Combien de députés ont sacrifié leurs principes dans cette apparente unanimité? Combien ont offert leur soutien à leur parti plutôt qu’aux 500 000 chasseurs du Québec qui ne trouvent pas de voix dans ce débat où l’émotion supplante toute logique?

Un député de la CAQ disait encore la semaine dernière les mêmes arguments fallacieux que les autres partis, sans que Deltell ou d’autres «faux unanimes» ne bronchent.

«On immatricul­e les voitures, pourquoi pas les fusils?» disait-il. Pour trois raisons. Primo, on n’a besoin d’aucun permis et d’aucune compétence pour acheter une auto: un aveugle quadriplég­ique peut en posséder une. Mais on ne peut pas acheter un fusil de chasse sans avoir suivi deux cours et obtenu un permis de possession après enquête policière, renouvelée aux cinq ans. Deuxio, l’immatricul­ation de l’auto, visible à l’oeil nu, peut être vérifiée par les policiers sans intrusion. Tertio, l’automobili­ste obtient en échange une assurance et une infrastruc­ture routière, alors que celle des fusils ne donne rien, sauf une illusion de sécurité. Tout cela, Deltell le sait, et a choisi de se taire.

Combien de consensus les partis brandissen­t-ils faussement en forçant les conscience­s pour sauver les apparences? Si un homme honnête comme Deltell a pilé sur ses conviction­s, imaginez tous les arrivistes alléchés par le pouvoir! La décision de Gérard Deltell, de voter pour un registre des armes à feu québécois par solidarité, vous choque-telle ? Venez en débattre Jdeq.com/opinions

Le fédéral rémunère ses députés presque deux fois mieux que le Québec, mais il n’est pas sûr d’avoir le job !

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