Sylvie vient de nulle part
Le village de Gagnon a été fermé en 1984
Faute d’hôpital, les femmes accouchaient sous des tentes. Faute d’église, les curées écoutaient les confesses dans une voiture. C’était les débuts de la ville de Gagnon, sur la Côte-nord, qui, 30 ans plus tard, allait être complètement rasée, brisant le coeur de Sylvie Devost et des 2000 autres habitants laissés sans repères.
En juillet, les anciens résidents de la ville éteinte se rassembleront tous à Sept-îles pour souligner les 30 ans de sa disparition.
Plus de 1000 personnes en provenance de partout sont attendues pour dire un dernier adieu à leur ville et se rappeler les souvenirs. Mais pour Sylvie, ce ne sera pas tout à fait un dernier au revoir. «C’est déjà tout réglé, les gens sont avertis, on ira jeter mes cendres à Gagnon, ça, c’est certain.»
DOULOUREUX SOUVENIRS
Octobre 1984, la population de Gagnon est convoquée à l’église par le conseil municipal. On leur annonce que leur ville ferme parce que la minière sur laquelle repose l’économie locale, SidbecNormines, cessera d’exister. L’endroit où ils se sont mariés, où ils ont élevé leurs enfants, où certains de ceux qu’ils ont aimés sont décédés ne sera plus. Leurs maisons seront démolies, l’épicerie aussi. Il ne restera plus rien et ils ont un an pour se trouver une autre vie. «Les gens ne le croyaient pas. Ils demandaient à ce qu’une autre solution soit envisagée. Le monde pleurait», a raconté au Journal, Sylvie Devost, ancienne résidente de Gagnon de sa naissance à la fermeture de la ville.
Encore à ce jour, la femme de 54 ans affirme ne pas s’en être complètement remise. «Quand j’ai su qu’ils détruisaient tout, pour moi, c’est comme si quelqu’un venait de mourir», a fait savoir Mme Devost.
Elle avait 22 ans lorsqu’elle a été forcée de quitter l’endroit où elle était née et où elle avait jusque-là passé toute son existence. Les habitants de Gagnon sont partis refaire leur vie, un peu partout à travers le Québec, voire le pays. «Parfois, je vois des groupes d’amis d’enfance se retrouver le temps d’un souper pour se raconter le bon vieux temps et ça me fait un pincement au coeur, parce que moi, je ne peux pas vivre ça», a confié Mme Devost.