19 M$ refilés aux contribuables
Des observateurs dénoncent l’utilisation des fonds publics pour défendre les motards
La défense des 156 Hells Angels arrêtés lors de l’opération Sharqc a jusqu’à maintenant coûté près de 19 millions $ aux contribuables québécois, depuis cinq ans.
C’est ce que Le Journal a appris de l a Commission des services juri-diques du Québec, qui gère les honoraires spéciaux que l’état verse à des avocats de la défense aux mégaprocès.
Son président, Me Denis Roy, a indiqué que ces coûts s’expliquent par le nombre sans précédent d’accusés, l’ampleur de la preuve de la poursuite et les nombreuses requêtes débattues en cour dans ce dossier.
Une centaine de membres et d’associés des Hells Angels inculpés à la suite de cette opération policière se sont reconnus coupables de complot pour meurtre. Dix autres demeurent en attente d’un procès.
Les frais de défense payés par les contribuables pour l’ensemble des mégaprocès au Québec s’élèvent quant à eux à 26 millions $ en cinq ans, selon nos données, obtenues en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.
Depuis 2010 -2011 , la facture annuelle des honoraires d’avocats impliqués dans des mégaprocès a plus que doublé.
CHANGEMENTS RÉCLAMÉS
La plupart des observateurs interrogés par Le Journal réclament des changements du gouvernement Couillard.
«Les Hells Angels ont appris à abuser du système, selon le sénateur Jean-guy Dagenais. Ce sont des gens d’affaires et ce qu’ils possèdent n’est pas toujours à leur nom. L’aide juridique a été mise en place pour les moins nantis de la société, et Québec devrait resserrer les règles ou enquêter davantage sur les avoirs des criminels avant de payer leurs avocats.»
Me Danièle Roy, présidente de l’association des avocats de la défense de Montréal, croit que la formule actuelle des mégaprocès doit être revue.
«Sharqc, c’est trop gros. La preuve faisait l’équivalent de trois Empire State Building. Il est clair que la Couronne pourrait mieux cibler les accusations, aller à l’essentiel et faire épargner bien du temps et de l’argent à tout le monde.»
ACCAPARANT
Comme certains de ses collègues, Me Richard Dubé, qui a représenté l’un des motards arrêtés dans l’opération Sharqc, dit qu’il serait «très hésitant à revivre l’expérience» d’un mégaprocès.
«Ça représente une charge de travail qui dépasse l’entendement. Les avocats qui s’embarquent là-dedans doivent mettre de côté tout le reste de leur pratique et ils se retrouvent sans clientèle quand c’est fini . C’est pas vrai qu’on se met riche avec ça.»
Le ministère de la Justice n’a pas commenté le dossier.
Ces honoraires n’incluent pas la rémunération de la quinzaine de procureurs de la Couronne assignés aux procédures dans l’opération Sharqc, qui varie entre 1,4 et 1,8 million par année depuis 2010, selon le Directeur des poursuites criminelles et pénales.