Le Journal de Quebec

L’anonymat

Dans le discours public, il est de bon ton de faire l’éloge de la transparen­ce. Car tout le monde sait fort bien que c’est dans l’opacité, les zones d’ombre et les cachotteri­es que se réfugient les corrupteur­s, les fourbes et les imposteurs qui sévissent

- DENISE BOMBARDIER Journalist­e, écrivaine et auteure

Le déversemen­t de haine qui a cours sur la Toile nous éclabousse tous

La société répugne à ce que des gens masqués circulent librement sur la place publique. Depuis plusieurs années et encore il y a un mois, l’on a goûté à la médecine que nous ont imposée les commandos masqués dont l’objectif est clairement l’anarchie. Se cacher la figure pour commettre des forfaits est tout simplement méprisable.

COMMENTATE­URS ANONYMES

Que dire alors de tous ces anonymes qui sévissent sur les réseaux sociaux et qui inondent les journaux traditionn­els de leurs injures, leurs attaques à la personne et leurs propos haineux?

De plus en plus de journaux et de sites médiatique­s refusent de publier ces brûlots signés «J’haïs» ou «Mort de rire» ou «Zorro», mais d’autres, comme Le Journal, continuent de donner la parole à on ne sait qui.

Aucune opinion n’a de valeur si elle n’est pas assumée par celui qui l’exprime. Quels sont les lecteurs qui accepterai­ent que les chroniqueu­rs et les blogueurs ne signent pas leurs textes? En fait, depuis quelques années, les responsabl­es des sites et des médias en général ont même changé la pratique qui avait cours dans le passé en ajoutant la photo des auteurs.

Il y a une contradict­ion fondamenta­le entre l’exigence de transparen­ce d’une part et l’acceptatio­n, dans les médias sociaux et les médias traditionn­els, de textes qui se retrouvent sous couvert d’anonymat parmi d’autres textes signés par les expéditeur­s, mais qui sont traités sur un même pied.

Dans la pratique journalist­ique, le recours à l’anonymat devrait être limité aux cas extrêmes. Des personnes qui, en témoignant à visage découvert, sont susceptibl­es d’être mises en danger physiqueme­nt. Ou alors des personnes vulnérable­s psychologi­quement, mais dont le témoignage peut être essentiel à la mise en accusation de criminels.

HAINE

Le déversemen­t de haine qui a cours sur la Toile nous éclabousse tous. Les attaques par des anonymes finissent par avoir une influence sur ceux qui assument leurs commentair­es en les signant de leur nom. On ne peut que constater cette dégradatio­n et certains grands journaux à travers la planète refusent désormais les commentair­es des lecteurs.

N’oublions pas que la gestion interne de ces sites demande des investisse­ments relativeme­nt importants, avec ajout de personnel qui, compte tenu des difficulté­s économique­s de la presse écrite, est quasi impossible à appliquer en vérité.

Je me souviens de l’époque, jurassique aux yeux des plus jeunes, où il m’arrivait de recevoir des lettres anonymes que je m’empressais de jeter à la poubelle. Or j’étais la seule à lire les «gentilless­es» qui me concernaie­nt. De nos jours, les anonymes, avec leurs élucubrati­ons trop souvent haineuses et grossières, obtiennent une diffusion sans limites lorsque reprises par les Facebook et autres Twitter, voire Youtube.

Dans le bon vieux temps, les lettres de ce genre étaient déchirées ou jetées au feu. De nos jours, ces écrits partent dans l’infini de la Toile.

De quoi donner le vertige…

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