Le Journal de Quebec

L’équilibre budgétaire : un prétexte ?

L’équilibre budgétaire qui a été au coeur du discours gouverneme­ntal est un prétexte qui n’a rien à voir avec la plupart des mesures implantées en son nom. Le but n’était pas d’économiser, c’était de continuer la transforma­tion de l’état entreprise depuis

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En fait, le déficit que le gouverneme­nt avait à éliminer était beaucoup plus modeste que ce qu’il avait avancé en début de mandat. Pour l’année qui vient de passer, tout compte fait, il s’agit de 1,1 G$ à résorber, et non les 5,5 G$ annoncés en début de mandat. Blogueur au Journal, l’économiste Ianik Marcil a une belle image à ce sujet: si le gouverneme­nt avait un budget de 50 000 $, son déficit représente­rait… 564 $.

COMPRESSIO­NS SALARIALES

Comment est-il parvenu à résorber ce mince déficit? Surtout par les compressio­ns salariales qu’il a exigées à ses employés. Par exemple, le 25 novembre dernier, Martin Coiteux a annoncé la suppressio­n d’un millier de postes dans la fonction publique et des compressio­ns salariales de 689 M$ dans tout le secteur public. Voilà qui permet d’économiser.

Il entend d’ailleurs continuer d’économiser sur le dos de ses employés avec les gels salariaux qu’il leur propose pour les deux prochaines années.

Toutes les autres réformes mises de l’avant par le gouverneme­nt sont des peccadille­s en comparaiso­n avec les attaques à ses employés. La hausse des services de garde? À peine 193 M$ selon le dernier budget. La réforme de la santé? Peut-être 220 M$, mais pas tout de suite, seulement en 2017 quand l’équilibre budgétaire sera atteint depuis trois ans.

Les régimes de retraite municipaux? Il est bien possible que ce ne soit que de minces économies, comme le gouverneme­nt avait grandement surestimé leur déficit. Quant aux fusions des commission­s scolaires, elles pourraient rapporter «jusqu’à» 26 M$, ce qui est quand même plus que les 8 M$ économisés grâce à la fermeture des directions régionales du ministère de l’éducation.

CHANGER L’ÉTAT

Ces réformes visent à changer l’état, pas à économiser. Ça veut dire quoi, changer l’état? Prenons l’exemple de la santé. La méthode lean impose un minutage du travail où l’on est rabroué dès qu’on prend trop longtemps soin des patient-es. Le financemen­t à l’activité, quant à lui, forcera les gestionnai­res à faire des pressions, entour-loupes et entorses pour maximiser leur marge de profit. Enfin, l’adoption du projet de loi 10 a centralisé le pouvoir entre les mains du ministre et des directions d’énormes établissem­ents en le retirant à celles et ceux qui travaillen­t avec les patients.

Voici le projet: une organisati­on du travail calquée sur l’usine, des gestionnai­res en compétitio­n pour être celui qui pressera le plus le citron des employés surveillés par des patrons toutpuissa­nts. Ne vous y trompez pas, si les services publics deviennent des chaînes de montage, vous avez bien des chances d’y être traités comme une carcasse de voiture qu’on doit réparer.

Ne vous y trompez pas, si les services publics deviennent des chaînes de montage, vous avez bien des chances d’y être traités comme une carcasse de voiture

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SIMON TREMBLAY-PEPIN Chercheur, Institut de recherche et d'informatio­ns socio-économique­s (IRIS)

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