Le cynisme à date fixe
Parce qu’elle retire aux premiers ministres le pouvoir d’en décider le moment, l’idée d’imposer des élections à date fixe passe pour être le summum de la vertu. Or, il n’en est rien.
Rappel des faits: en 2007, Stephen Harper fait adopter une loi prévoyant des élections fédérales à date fixe en conservant toutefois la prérogative d’un déclenchement à tout autre moment. Le beurre et l’argent du beurre, quoi.
J’avançais à l’époque que lorsqu’une élection serait vraiment tenue à «date fixe» — ce qui sera le cas le 19 octobre prochain —, l’effet serait nocif. Une inévitable longue précampagne officieuse risquant même de s’étirer sur une année avant la date du vote.
Pis encore, aucune somme d’argent encourue avant le lancement officiel de la campagne ne serait comptabilisée dans les dépenses électorales. Un vrai bar ouvert pour les partis politiques les plus riches. Comme par hasard, contrairement à ceux de ses adversaires, les coffrets du Parti conservateur débordent.
LA BELLE AFFAIRE
Un scrutin à date fixe permet aussi au premier ministre de profiter des ressources considérables de l’état pour «séduire» les segments de l’électorat qu’il convoite. Et ce, bien avant les quelques semaines habituelles où les gouvernements sortants tentent de s’«acheter» l’appui des électeurs à même les fonds publics.
Dans les faits, le pouvoir du premier ministre s’en trouve décuplé. Sans lui garantir la victoire, il s’en trouve néanmoins avantagé face aux partis d’opposition. Un scrutin à date fixe est une fausse bonne idée.
Quiconque connaît les rouages de notre système parlementaire aurait dû voir venir ce désastre dès le début. La vertu apparente du concept en a pourtant trompé plusieurs.
On voit même apparaître des groupes de pression partisans dont les dépenses d’ici le déclenchement officiel ne seront pas comptabilisées non plus. Combien dépensent-ils? D’où viennent leurs fonds? Mystère et boule de gomme.
Inspirés des «Political Action Committees» américains – les richissimes et influents «PAC» —, des groupes pro-harper ou anti-harper se pointent déjà avec publicités et sites web à l’avenant.
UN CADEAU EMPOISONNÉ?
Certains y voient une américanisation de la politique canadienne. J’y vois plutôt une «harperisation». L’inspiration des «PAC» est certes américaine, mais à une grosse différence près.
Aux États-Unis, l’argent joue un rôle majeur en politique, mais la Constitution limite chaque président à un maximum de deux mandats. Au Canada, tout premier ministre provincial ou fédéral peut régner aussi longtemps que son parti gagne ses élections.
Stephen Harper sollicite d’ailleurs un quatrième mandat consécutif. Pour le chef conservateur, le scrutin à date fixe n’est qu’un item de plus dans sa lourde besace de stratégies visant à le garder au pouvoir le plus longtemps possible.
On se désole du «cynisme» des citoyens. De toute évidence, il n’arrive pas à la cheville de celui de certains politiciens.
Même le Québec a maintenant son régime à «date fixe», adopté sous Pauline Marois, une fois de retour à l’opposition. Les péquistes se seraientils offert un cadeau empoisonné?
Un scrutin à date fixe permet aussi au premier ministre de profiter des ressources considérables de l’état pour « séduire » les segments de l’électorat qu’il convoite