Le Journal de Quebec

Victoire ou défaite de Napoléon

Je suis allé faire un tour en Belgique la semaine dernière à l’occasion du bicentenai­re de la bataille de Waterloo, le 18 juin 1815. gilles.proulx@quebecorme­dia.com

- GILLES PROULX

Nous étions un quart de million sur ces lieux devenus mythiques en raison du sang versé, et qui ont gardé l’apparence qu’ils avaient à l’époque: des champs de blé.

Rien ne destinait le petit village de Waterloo en Wallonie, à vingt kilomètres de Bruxelles, à devenir un lieu célèbre. On est loin des territoire­s dévastés par les obus de la Première Guerre mondiale (qui eut lieu cent ans après Napoléon). Le décor est fidèle à l’image que l’on se fait du «plat pays»: une morne plaine.

Mais ce champ de blé est un cimetière. Les 45 000 morts au combat ont été ensevelis sous une mince couche de terre. Parfois, quand le terrain se déplace, les vieux os d’un défunt de Waterloo se mettent à dépasser, et les autorités intervienn­ent pour le «réinhumer».

L’AURA NAPOLÉONIE­NNE

Sous le prétexte qu’elle ne voulait pas célébrer une de ses défaites, la France n’a pas participé au bicentenai­re de Waterloo.

Ce sont les anciens alliés européens anti-français, dont les Britanniqu­es, qui ont mis le plus d’argent et d’efforts dans

Napoléon est le seul perdant valorisé par l’histoire. C’est Wellington qui remporte Waterloo, mais c’est Napoléon, néanmoins, qui s’impose comme le héros

ce grand événement. Je me demandais donc de quoi aurait l’air la foule; seraitelle pleine de militaires anglais et néerlandai­s venus fêter contre les «maudits Français»?

Lorsque, devant les estrades, le «duc de Wellington» s’est avancé, il y a certes eu quelques applaudiss­ements et quelques «God Save The Queen!» criés par mes voisins. Mais sans plus. Quand plus tard, «Napoléon» a défilé devant nous, c’était le délire. J’ai trouvé ça bizarre, tout cet enthousias­me. Vraiment, Napoléon est le seul perdant valorisé par l’histoire. C’est Wellington qui remporte Waterloo, mais c’est Napoléon, néanmoins, qui s’impose comme le héros: le premier des self

made-men européens. Les monarchies réactionna­ires qui se sont coalisées pour faire chuter Napoléon se sont toutes effondrées (ou affadies) sous la poussée de l’idéal républicai­n dont Bonaparte était le porteur.

Si Napoléon avait gagné, Paris serait devenu le Washington des États-unis d’europe.

LA VRAIE DÉFAITE

Pendant mon «pèlerinage» à Waterloo, je me suis soudaineme­nt mis à penser à ces braves tombés dans ce bain de sang en ne sachant pas que deux cents ans plus tard, des centaines de milliers de gens fouleraien­t ce sol marqué par ce «dieu de la guerre», le surnom dont Clausewitz affubla Napoléon Bonaparte.

Où sont-ils ces braves, morts pour leurs causes respective­s? Savent-ils qu’on les vénère encore?

La vraie défaite de Napoléon, je ne l’ai pas vue à Waterloo, mais à Bruxelles, ville affreuseme­nt anglicisée, où les Flamands sont fiers de ne pas parler le français (qu’ils n’apprennent même plus à l’école).

Peut-être que notre secrétaire générale de la francophon­ie, Michaëlle Jean, pourrait enjoindre les pays membres de son club à imiter le Québec?

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