Le Journal de Quebec

Un appel au 911 QUI glace Le sang

Triple meurtre de Trois-rivières

- CLAUDIA BERTHIAUME

«Je ne t’aime pas et je ne t’ai jamais aimé.» Six mois avant sa mort, la plus jeune des deux soeurs tuées lors du triple meurtre de Trois-rivières a envoyé ce message à l’adolescent qui allait devenir son meurtrier.

La jeune femme de 17 ans était alors en couple depuis déjà plusieurs mois avec son copain, qui a lui aussi été assassiné lors du drame de février 2014.

Et elle en avait ras le bol que l’ado de 16 ans essaie de la convaincre de rompre avec son amoureux pour lui laisser le champ libre. L’insistance de l’adolescent était malsaine au point où la mère de la jeune femme lui a demandé de couper les ponts en juin 2013.

«Je voulais te dire que j’ai passé l’été chez [mon copain] chaque jour et que je l’aime et je l’ai toujours aimé. Je voudrais que tu sortes de ma vie complèteme­nt et je ne veux pas te voir mercredi ou jamais. Si tu continues d’essayer d’entrer en contact avec moi par télé- phone ou peu importe comment, c’est du harcèlemen­t et je peux appeler la police. Je ne t’aime pas et je ne t’ai jamais aimé», écrit-elle à l’ado qu’elle avait rencontré l’année précédente à l’école. Même rester amis était impossible. «N’essaie pas de me répondre, je suis sérieuse, c’est fini, je ne suis plus là. Je suis heureuse avec lui et en fait tout est be au dans notre vie depuis cet été . Laisse-moi tranquille, je suis sérieuse. Tu n’as plus moyen d’entrer en contact avec moi, je t’ai bloqué, et si tu appelles chez moi, ma mère contactera la police», insiste la jeune femme, avant de couper tout contact.

JALOUSIE MALADIVE

Mais sa note a eu l’effet contraire. Se sentant trahi par celle dont il était amoureux, l’ado de 16 ans a mis des mois à planifier son scénario meurtrier.

Le triple meurtre survenu à TroisRiviè­res aurait toutefois pu être encore plus sanglant qu’il ne l’a été, d’après ce qui a été raconté à la cour lorsque les deux accusés ont plaidé coupables.

L’ordonnance de non-publicatio­n nous interdisan­t de parler des faits du drame a ainsi pris fin hier.

PLAN SORDIDE

Après avoir été rejeté par la fille qu’il aimait, l’adolescent de 16 ans se met à parler de suicide et de tuerie.

Aidé par son meilleur ami — et coaccusé —, il cherche dés espérément l’adresse du copain de la jeune femme. En vain.

Le complice de l’ado rejeté demande ensuite à son ex-copine de lui procurer de la poudre à canon pour une bombe. Ce projet ne sera jamais mené à terme.

Quelques semaines avant le drame, l’ado amoureux parle à plusieurs reprise s des on planà des amissur Facebook. «Ce sera une réussite», dit-il.

Son complice, quant à lui, a dit à un ami: «On va tuer une fille et un gars qui nous font chier.»

Leur scénario changera quelques fois. L’ado de 16 ans prévoit d’abord filmer la scène pour la diffuser sur le web.

Il projette ensuite d’appeler lui-même le 911 et de tuer le plus de policiers possible lorsqu’ils se présentero­nt sur la scène. Puis, il se suicidera.

Enfin, l’adolescent envisage d’incendier la maison de l’élue de son coeur, avec tout le monde dedans.

« MOMENT DE GLOIRE »

Dans les jours précédant le drame, les deux ados s’encouragen­t par le biais de messages privés sur Facebook.

«Je vais m’assumer et je ne ferai pas dans la dentelle, dit celui qui ne connaissai­t pas les victimes. Le sang coulera dans nos mains.»

«Lâche pas, il reste moins de 24 heures à ce calvaire. Ensuite, on aura notre moment de gloire, dude », écrit-il à son ami la veille des assassinat­s.

Ce soir-là, les deux complices racontent leur plan à un autre jeune homme, sollicitan­t même son aide. Puisque les deux ados ont l’air intoxiqués, ils ne seront pas pris au sérieux.

INSTRUMENT­S DE TORTURE

Ils peaufinent ensuite leur plan du lendemain. Les deux comparses veulent faire souffrir la mère.

Ils préparent des instrument­s de tor-

ture: fil barbelé, tabasco, sel, râpe à fromage et marteau font partie de l’attirail.

Ce soir-là, ils dorment tous deux chez l’ado de 16 ans. Celui-ci sait où se trouve la clé de l’armoire où sont entreposés les fusils de chasse de son père. Ce sera un jeu d’enfant de les prendre.

Le matin du 11 février, les deux meurtriers se lèvent vers 5 h 30. Ils cachent leurs armes et des boîtes de munitions dans un étui à guitare, et prennent le chemin de l’arrêt d’autobus vers 6 h 20.

Mais ils auront un pépin: l’étui se déchire. Ils doivent revenir à la maison pour le réparer, avant de repartir.

UNE CHANCE INOUÏE

C’est sans doute cet imprévu qui sauvera la vie de la mère des deux soeurs.

Ils traversent la ville d’est en ouest en autobus. Lorsque les complices arrivent sur la rue Sicard, vers 7 h 50, c’est le jeune homme ne connaissan­t pas les victimes qui sonne à la porte. Il prétexte devoir emprunter le téléphone pour une urgence.

La plus jeune des deux soeurs le laisse entrer. Celui-ci referme la porte derrière lui, en s’assurant qu’elle demeure déverrouil­lée pour son ami, qui s’est caché.

L’adolescent de 16 ans entre ensuite avec les armes. Il est 7 h 53. La mère des deux soeurs est déjà partie pour le travail.

La jeune femme de 17 ans compose le 911 et monte à l’étage se cacher dans un garde-robe avec son copain.

Celui qui a sonné à la porte les rejoint et leur ordonne de descendre au salon, les menaçant avec son arme. La jeune femme est toujours en ligne avec le 911.

Le couple retrouve la soeur aînée de la jeune femme et l’ado de 16 ans au salon.

TUÉS EN 30 SECONDES

Ce dernier indique à son complice de tuer l’aînée. Il s’exécute en lui tirant une balle derrière la tête. Il est 7 h 58.

La soeur cadette crie et supplie pour que le carnage s’arrête. L’ado de 16 ans tue alors le copain de la jeune femme d’une balle dans la tête. Il recharge son arme et abat celle qui l’avait rejeté, de la même manière.

Les trois meurtres sont commis en moins de 30 secondes. La répartitri­ce du 911 entend toute la scène (voir encadré).

Les deux complices montent à l’étage. Ils brisent la fenêtre de la salle de bain, sortent leurs canons à l’extérieur pour attendre l’arrivée des policiers.

Avisés par la répartitri­ce de ce qui vient de se produire, les agents qui arrivent sur les lieux restent en retrait. Les ados ne peuvent pas les voir.

Ceux-ci finissent par s’impatiente­r et quittent la maison par la porte avant. Les policiers les mettent en joue, et les somment de se coucher au sol. Il est 8 h 12.

Les deux amis sont arrêtés sur- le - champ. Ils sont détenus depuis. Et la Couronne entend faire en sorte qu’ils le demeurent pour encore longtemps.

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 ??  ?? Un des deux ados impliqués dans le triple meurtre de Trois-rivières avait tapissé sa page Facebook d’allusions à la mort dans les mois qui ont précédé le drame. À droite, l’arrestatio­n des accusés à leur sortie de la résidence de la rue Sicard.
Un des deux ados impliqués dans le triple meurtre de Trois-rivières avait tapissé sa page Facebook d’allusions à la mort dans les mois qui ont précédé le drame. À droite, l’arrestatio­n des accusés à leur sortie de la résidence de la rue Sicard.
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