La paix linguistique
C’est sûr qu’à côté des carnages d’hier en Tunisie, au Koweït et en France, la controverse sur le statut du bilinguisme déclenchée cette semaine par le conseiller Robert Myles à l’hôtel de ville de Longueuil est de la petite bière.
Mais qui, à part nos talibans de la langue et nos ayatollahs du bilinguisme, a envie de boire de cette petite bière «flat» cet été?
On n’avait pas encore fini de dénombrer les cadavres sur une plage près de Tunis où des hommes ont ouvert le feu sur des touristes qui se prélassaient sur des chaises longues. Même chose au Koweït où un commando-suicide s’est fait exploser dans une mosquée bondée. Un corps décapité a été retrouvé parmi les autres victimes d’une attaque dans une usine de gaz industriel près de Lyon, en France.
À côté de ces horreurs, le fait qu’une controverse fasse rage à Montréal parce qu’un échevin dans une ville de banlieue a décidé de parler le pontbridge en répétant en anglais chaque phrase qu’il dit en français démontre à quel point nous sommes bénis de vivre dans une ville, et un pays en marge des violents conflits qui dévastent de vastes contrées, pas si loin d’ici.
UNE « JOB » D’INTÉGRISTES
Mais, quand même, il y a un point commun entre ces attentats terroristes et notre petite guéguerre linguistique à Longueuil: ce sont des «jobs» de spécialistes, qui poursuivent tous un «agenda» qui leur est propre. Laissé à lui-même, le peuple, là-bas comme ici, trouverait sans doute une façon de passer par-dessus ces intérêts en conflit pour, justement, éviter ces dérapages navrants et vivre en paix.
Ceux qui, comme moi, ont vécu les grandes mobilisations émeutières des années 1960 savent de quoi il s’agit quand on parle de guerre linguistique. Ils sont donc mieux en mesure d’apprécier la paix linguistique qui règne à Montréal depuis quelques années.
Cette paix relative et fragile est le résultat de millions d’accommodements raisonnables et polis faits au quotidien qui permettent à des gens de langues et de cultures différentes de se côtoyer dans de grands festivals, de grands embouteillages, dans les marchés et les parcs sans se sauter au visage, même à la fermeture des bars.
PANIER DE CRABES
Mais, par sa nature même, cette paix populaire ne résiste pas à l’analyse des juristes, aux discours des politiciens, ou à l’action des militants. Dès que ceux-là s’en mêlent, le diable prend. Longueuil, par exemple.
Le panier de crabes à Longueuil est l’insoluble question de savoir, 1) qui est la minorité et 2) quels droits ce statut lui accorde-t-elle.
L’hôtel de Ville de Longueuil nous offre un théâtre de l’absurde dans lequel c’est un anglophone qui joue les minorités linguistiques opprimées, un rôle habituellement dévolu à un Acadien ou à un franco de St-boniface.
Et ce sont les nationalistes québécois qui jouent les majorités arrogantes et insensibles devant les revendications des minorités – un rôle mis au point par les habitués de la Légion canadienne dans les années 1970.
Lancé sur cette base, ce débat ne peut amener rien de bon.
Alors, qui donc a intérêt à le relancer, et à l’alimenter, à quelques mois d’une élection fédérale?
Je vous le demande…
Cette paix relative et fragile est le résultat de millions d’accommodements raisonnables et polis qui permettent à des gens de langues et de cultures différentes de se côtoyer