Face À Face avec La MORT
Marqués à vie par le suicide d’automobilistes
Cinq camionneurs, dont René Cloutier (en mortaise) victime d’un accident le 30 avril dernier à Saint-tite-des-caps, témoignent de l’horrible drame qui les a frappés lorsqu’ils étaient au volant de leur poids lourd. ›
De nombreux Camionneurs sont marqués À vie Après Avoir vu un Automobiliste tenter de mettre fin À ses jours en frappant leur Camion de plein fouet. Quatre d’entre eux ont témoigné de Cette triste réalité qui en force Certains À Abandonner la route.
«Je l’ai vu se détacher avant de me rentrer dedans. Je me souviendrai toujours de son regard déterminé. La face, tu te souviens de ça toute ta vie», raconte Pierre Fortier, qui avoue avoir eu un choc nerveux après l’accident, survenu au printemps 2007 sur l’autoroute 20, à Saint-hyacinthe.
Comme tous les autres camion neurs interrogés par Le Journal, M. Fortier se souvient de tous les détails de l’accident. «Elle était déjà poursuivie par la police parce qu’elle roulait trop vite. Elle était gelée raide», se souvient-il, en parlant de la dame qui a tenté d’en finir en lui fonçant dessus, alors qu’elle arrivait en sens inverse. «Quand elle est sortie du char, elle criait après moi. Elle était en maudit parce que je l’avais manquée!» s’exclame le camionneur, qui, en 21 ans de carrière, n’avait jamais rien vécu de tel.
«Quand ça t’arrive, tu y penses toujours quand tu embarques dans ton truck. Je souhaite que ça n’arrive pas à des jeunes qui sortent de l’école parce que ça hypothèque ta carrière», ajoute-t-il.
« Même aujourd’hui, quand je vois un véhicule plus lent ou dans l’accotement, je deviens paranoïaque. » – André Beaulieu « Je suis marquée à vie. » Sylvie Coulombe
« Je l’ai vu se détacher avant de me rentrer dedans. » –Pierre Fortier, de Lévis « Je suis devenu très nerveux, pas juste sur la route. Sur le coup, ç’a été tel quel, je n’ai pas vraiment pris de congés, mais c’est quelques mois après que ça a commencé. » David Ruel, de Lévis, camionneur depuis 42 ans
« Le pire c’est le bruit
du déchirement de la tôle.
C’est infernal. Tu te
demandes quand ça va
s’arrêter et comment tu
vas être. » –René Cloutier, qui a subi huit fractures au visage
C’est la même chose pour André Beaulieu, qui a été gravement blessé lorsqu’une automobiliste lui a «reculé dedans», le 30 juin 2011, en Ontario. «Elle s’est immobilisée sur l’accotement et elle a embrayé de reculons pour que je lui rentre dedans», se remémoret-il, en ajoutant que la femme en était à sa «cinquième ou sixième balloune».
« J’AI ARRÊTÉ PENDANT 4 ANS »
«J’ai entendu mon «co- driver» crier. Je me suis levée en panique. J’ai eu le temps de voir la boule de feu et l’auto se décomposer», se souvient pour sa part Sylv i e Coulombe, qui dormait dans la cabine lorsqu’un jeune homme de 16 ans a tenté de mettre fin à ses jours. Selon la camionneuse, l’automobiliste a tenté de frapper le camion qui roulait devant le sien, avant d’être projeté sur son parechoc.
C’était en 2003, sur la route 54, au Nouveau-mexique. «Il a été éjecté de son véhicule. Je suis allée le voir dans le champ puisque j’étais la seule qui parlait anglais. Il s’excusait et me disait qu’il s’était chicané avec son père», raconte la mère de famille qui a dû abandonner le métier pendant quatre ans à la suite de cet événement.
FAIRE SON DEUIL
Toujours en arrêt de travail depuis l’accident mortel du 30 avril dernier à Saint-Tite-des-Caps, René Cloutier avoue que «ses priorités ont changé».
« Po u r faire son deuil», M. Cloutier aimerait aujourd’hui s’entretenir avec la famille de celui qui a volontairement mis fin à ses jours en se jetant devant son poids lourd. «Je ne peux pas lui en vouloir, on est soudés par son action.»
«Ça a pris un mois avant que l’adrénaline retombe. Un beau matin, j’étais assis sur ma véranda et j’ai pleuré. Tout est sorti. Je me disais: “J’suis en vie”», raconte M. Cloutier, qui n’est toujours pas retourné au travail.