Les Kurdes, 100 ans plus tard
Il y a de ces peuples, oubliés par la Providence, injustement traités, à qui des promesses avaient été faites et qui ont souffert dans leur chair qu’elles n’aient pas été remplies. Les Kurdes en font partie. Ils sont de retour au coeur de l’actualité, et
Les Kurdes, de toute évidence, savent se battre. Ils ont trente ans de lutte armée — de terrorisme, selon la Turquie — dans le corps, les attaques et attentats du Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK, ayant fait 40 000 morts depuis le milieu des années 80.
Ils ont aussi de l’endurance mentale et physique, l’irakien Saddam Hussein allant même jusqu’à utiliser des gaz chimiques pour briser leur détermination. Oui, la Turquie, l’irak et maintenant la Syrie où les combattants kurdes — les Peshmergas — font reculer avec acharnement les barbares de l’état islamique: les Kurdes sont partout et nulle part à la fois.
PROMESSE FAITE, PROMESSE BRISÉE
Plus de 30 millions de Kurdes sont éparpillés dans les régions montagneuses du Moyen-orient. Ils ne sont ni arabes, ni turcs, ni perses et forment, du coup, l’un des plus grands peuples au monde à ne pas disposer de son propre État. Un État qu’ils ont pourtant touché du bout des doigts, il y a justement presque cent ans.
Avec l’éclatement de l’empire ottoman après la Première Guerre mondiale, leur autonomie a été ouvertement discutée avec leur indépendance à moyen terme, sérieusement envisagée . Mal heureusement pour eu x , l’idée s’est dissipée, le redécoupage des frontières me n é par les Britanniques et les Français, couplé a u nouvel État turc que Mustafa Kemal faisait naître des cendres de l’empire ottoman, oubliant les Kurdes.
Des décennies d’oppression, de répression ont suivi, mais c’est finaleme n t le coup de tête de Saddam Hussein, encore lui, qui a une fois pour toutes bouleversé la donne. En chassant les troupes irakiennes du Koweït en 1991 et en instaurant une zone d’interdiction de vol dans le nord de l’irak, les Américains ont permis aux Kurdes d’y assumer une grande autonomie que garantit, depuis 2005, la nouvelle constitution irakienne.
À CHEVAL SUR DES FRONTIÈRES QUI ÉCLATENT
Ce Kurdistan irakien est devenu un modèle dans la région: un îlot de tolérance, de stabilité et de prospérité. Et je n’exagère pas: les investisseurs étrangers s’y bousculent et les touristes y viennent, une incongruité dans un coin du monde où l’actualité est plutôt faite d’attentats à la voiture piégée et de déplacements forcés de population.
Ils sont de plus en plus nombreux à rêver, avec le succès des Peshmergas contre les islamistes dans le nord de la Syrie, d’un Kurdistan qui s’étirerait de ce côté de la frontière. Un rêve qui to urne rait a u cauche mar pour la Turquie, si les Kurdes turcs — qui représentent près la moitié du grand peuple kurde — en venaient à vouloir, à leur tour, e mbarquer dans c e tt e aventure. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a d’ailleurs juré vendr e di qu’ « i l ne permettrait ja mais l’établissement d’un nouvel État à la frontière sud de la Turquie».
Qu’erdogan le veuille ou non, la carte de la région va changer. La Syrie éclate sous les coups de boutoir des rebelles et des extrémistes de l’état islamique. L’irak — État artificiel par excellence — est chaque jour un peu plus écartelé entre chiites et sunnites, pendant que les Kurdes mènent leurs affaires avec toujours plus d’autonomie. Ils vont finir par l’avoir leur État à eux. Et ils ne l’auront pas volé!